VINGT-HUIT

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En rentrant dans son appartement, je m'attendais à me sentir étouffée, suffoquer sous la pression, vouloir m'enfuir en courant. Mais c'est tout le contraire qui se passe. Mes épaules s'affaissent, ma poitrine s'allège, et je pousse un long soupir. Sans dire un mot, je parcours le salon et observe le paysage par la baie vitrée. Je ne suis pas paniquée. Je ne suis pas sereine non plus. Mais peut-être qu'au fond, je sais simplement que je ne peux plus rien faire. Quand je repartirai d'ici, ma vie aura pris un nouveau tournant.

Je l'entends approcher de moi, et il n'allume pas la lumière. Nous restons plongés dans la pénombre, le salon seulement éclairé par la lune et les étoiles. Cette ambiance nocturne m'enveloppe instantanément dans la torpeur que je craignais tant. Je sais que mes barrières s'effondrent, elles s'effacent dans la nuit.

Lentement, je me retourne, et fais face à Tyler qui est à moins d'un mètre de moi. Je retiens ma respiration et lève la tête vers lui, contractant mes bras serrés contre ma poitrine.

— Je pensais que tu ne me parlerais plus jamais, hésité-je à mi-voix.

Le beau brun sourit légèrement, et secoue la tête.

— Non, tu ne le pensais pas.

Il me lance un regard éloquent, et je me sens tout de suite rougir. Je remercie la nuit de cacher mon trouble, tournant la tête vers l'extérieur. Il a raison...

— Pourquoi ce soir ? fais-je en lui tournant le dos.

D'un pas tremblant, j'avance vers le balcon, et inspire profondément l'air frais qui s'y diffuse. L'atmosphère est terriblement perturbante. Je sens une pression incroyable peser au dessus de nous, nous enserrer dans un moment duquel aucun de nous ne peut se libérer.

— Pourquoi tu essaies de retarder notre discussion ?

Ses mots me foudroient et je me raidis. Mes mains se crispent sur la rambarde de son balcon, mon cœur s'emballe. Ça y est, cette fois, la nervosité m'envahit.

Un court silence s'installe entre nous, mais j'ai l'impression de me noyer dans un brouhaha insupportable. Je sens sa présence étouffante juste derrière moi, et sans qu'il me touche, je me sens submergée. Mon esprit hurle, mon cœur aussi.

— Ce soir on se dit tout, alors... soupiré-je.

Tyler ne dit rien mais fait glisser ses coudes sur le rebord du balcon. Il pose sa tête sur ses bras et me regarde, sans un mot, sans un souffle. Et cela suffit. Je sens mon cœur bondir, ma gorge se nouer, les larmes naître au coin de mes yeux. Comme à chaque fois, il fait céder mes fines protections, avec un simple regard.

Je déglutis, et me remets droite. Remarquant sûrement ma tension, il m'imite en fronçant les sourcils. Nous nous faisons alors face dans un silence total, tous les deux immergés dans une émotion indescriptible. Me perdant dans une contemplation étrangement mélancolique, je me plonge dans ses yeux où dansent les reflets de la lune, et ai l'impression d'y voir briller mille étoiles. La douceur de la nuit caresse ses traits avec une telle délicatesse qu'il me semble être presque une illusion, quelque chose que rien ne peut atteindre. Je ne sais même pas comment cette idée me passe par la tête, mais je la ressens profondément. Je le regarde, et pour la première fois depuis longtemps, je le vois. Je vois en lui ce qui m'a fait abandonner, et ce que je ne verrai sûrement plus jamais après ce soir.

Nous ne disons toujours rien, et je me sens à mon tour transpercée par son regard. Il sait lui aussi que les révélations de ce soir changeront tout entre nous. Aussi étrange cela soit-il, il sent l'ampleur de ce qui réside en moi. Veut-il, comme moi, profiter des dernières étincelles dans mon regard ?

AliveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant