DIX-SEPT

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La journée était épuisante. Je l'ai passée à éviter Tyler, Jason, être courtoise avec Hailey et essayer de penser à tout sauf à April et mon état émotionnel dévasté. Et maintenant, je suis éreintée. Je sais que ce soir je ne dormirai pas et me retrouverai dans une soirée remplie de lycéens complètement bourrés et de problèmes. Et rien que d'y penser, je rêve d'en partir.

Je pose mon front sur la rambarde froide de mon balcon en écrasant ma cigarette. En soupirant, je ferme machinalement les yeux. Chaque jour, ma vie est chamboulée, c'est vraiment l'impression que j'ai.

Mon téléphone sonne, annonçant un énième message. April m'a appelée trois fois et envoyé une dizaine de SMS depuis ce matin. Et j'ai tout décliné, je n'ai même pas osé lire.

Je pose les yeux sur mon écran. Cette fois ci, ce n'est pas April. C'est Hailey, qui me demande de venir chez elle vers dix-neuf heures. Pendant une seconde, j'ai oublié que je devais me préparer chez elle avec les autres filles. Je me demande comment ça va se passer cette soirée. C'est la première depuis très longtemps, la première de cette dernière année de lycée et surtout, la première en tant que Malia Fields. Ce soir, les gens que je rencontrerai me connaîtront ainsi, et mon mensonge prendra une épaisseur réelle.

Je tourne le tête vers la mer, les yeux perdus dans les vagues, et laisse mes bras prendre dans le vide. Il me suffirait d'enjamber la rambarde pour tomber et m'effondrer en bas. Je me demande bien ce qui m'empêche de le faire.

Un souffle de vent passe dans mes cheveux et hérisse les poils de ma nuque. Je frissonne, replongée dans mon esprit par un simple tremblement.

— C'est haut ! Bordel, c'est haut !

— C'est pour ça que c'est bien.

Je hoquette, à court de mots, alors que mon amie s'avance encore. Elle se retourne vers moi et avec un large sourire, avant de se laisser tomber sur le bord du toit. J'étouffe un cri, et elle s'esclaffe en penchant la tête au dessus du vide.

— Allez, viens, me lance-t-elle.

Après une profonde inspiration, je fais quelques pas sur le toit de l'immeuble, m'approchant d'April. Elle se moque ouvertement de moi lorsque je mets une éternité à m'asseoir à côté d'elle. Je laisse à mon tour pendre mes jambes dans le vide, et expire en lâchant un « Waouh.»

— Tu vois, ça vaut le coup.

Je hoche la tête, m'émerveillant du paysage. New York la nuit c'est incroyable, mais vu de haut, encore plus. D'ici, on peut apercevoir le panorama des buildings illuminés, mais aussi les rues en bas, bruyantes et enflammées par les taxis et les spots. Ainsi, au bord du toit, on peut observer la vie nocturne de cette ville fantastique en expérimentant des sensations inédites. Le vent frais fait soulever nos cheveux et caresse nos chevilles suspendues, fragilise notre équilibre. Je lance un regard ahuri à ma meilleure amie, qui rit grassement et lève les bras en soupirant d'allégresse.

— Je ne veux jamais partir de New York.

— Moi non plus, souris-je.

Elle me lance un regard complice, et je le vois se redresser précautionneusement. Je saisis tout de suite l'idée, et dois prendre mon courage à deux mains pour me mettre debout. Elle saisis ma main et nous nous retrouvons toutes deux levées, les bras en l'air, à quelques centimètres du vide. Ici, à deux, nous dominons la ville. Nous sommes seules maîtresses d'un monde qui s'offre à nous, qui s'étend sous nos yeux, qui ne demande qu'à nous abreuver de ses lumières. Et dans cette position dangereuse, à un millimètre de la mort, je prends la vie en pleine tête.

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