Évidence

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11 mars 2022

La valise roulait avec difficulté, tressautant sur les irrégularités de la route. Son village lui semblait à présent si minuscule. Ses yeux océans balayaient le paysage ; les champs, les Vosges au loin, les maisons à colombages. William était à nouveau chez lui. Le vent frais se glissait sous son pull et l'air sentait la pluie.

Pourquoi tout avait l'air aussi morose ?

Le silence envahissait les rues, le blondinet n'en avait plus l'habitude, lui qui vivait depuis un an dans les cris, le bruit des voitures à n'importe quelle heure de la journée ou de la nuit. Il était accueilli ici par un calme apaisant, les piaillements des oiseaux et le bruit d'un tracteur au loin.

Les premiers gouttes de l'averse se mirent à tomber et William glissa sa capuche sur ses cheveux. Un éclair zébra le ciel gris et menaçant. Il avait pris le bus pour rentrer, ne prévenant personne. Il avait l'impression de les avoir trahis. Le footballeur avait quitté la maison du jour au lendemain, c'était la suite logique de sa naissante carrière.

Pourtant il était triste, il avait même regretté. William voyait encore les larmes de Maxime se mélanger à l'eau de la douche, ses supplications silencieuses. Son meilleur ami ne voulait que le meilleur pour lui mais le voir partir si loin lui avait arraché le cœur. Ils avaient grandi ensemble pendant presque dix-huit ans. Ils s'étaient aimés en silence pendant presque dix-huit ans.

L'averse se transforma en orage et William fut trempé en à peine quelques minutes. Il s'était arrêté sur le bord de la route, la tête levée vers le ciel.

Cela faisait plus de neuf mois qu'il n'avait pas vu son meilleur ami. William était parti le premier juillet, fêtant son bac seul à Paris, loin de celui qu'il avait toujours aimé. Leurs vies s'étaient éloignés, sur deux chemins différents. Alors qu'il progressait et vivait un rêve éveiller, Maxime était devenu un étudiant comme tant d'autres.

Ils n'avaient jamais eu l'occasion de se voir, chacun absorbés dans leurs nouvelles vies. Qu'est-ce qui restait d'eux ? Des messages ? Des appels moroses ? Il avait l'impression de le perdre.

William avait repris son chemin sur la route détrempée et fini par s'arrêter devant sa maison. Il essuya les larmes et l'eau sur ses joues d'un revers de main et sonna. La porte s'ouvrit après quelques secondes et les deux personnes se regardèrent en silence.

- Salut maman.

Sa mère, la surprise passée, le serra contre elle avec force, oubliant ses vêtements trempés et son air désabusé.

- Mon chéri...

Il fut entraîné dans la maison et son cœur s'arrêta de battre dans sa poitrine quand il aperçut Maxime, accoudé contre les plans de travail de la cuisine. Le brun tourna son regard chocolat vers lui et sa tasse de café faillit lui échapper des mains.

- Wi-William ?

Incapable d'articuler le moindre mot, il resta planté sur place, des larmes roulant le long de ses joues pâles. Maxime s'approcha et le blond tendit les bras vers lui avec un semblant de désespoir. Pourquoi rester aussi longtemps loin de son meilleur ami lui avait-il autant déchiré le cœur ?

Maxime s'arrêta devant lui, à quelques centimètres de son torse. Le footballeur leva les yeux vers lui, inquiet de ce qu'il pourrait déceler dans le regard du brun. Un frisson le traversa tout entier quand leurs prunelles se croisèrent. Il entendit une voix hurler en lui, celle du William d'avant et il fut assaillit de tellement de souvenirs, de rêves, de chuchotements ; de l'image d'une histoire d'amour qui n'avait jamais vraiment commencé. Était-il possible qu'ils se laissent une seconde chance ?

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