Reste

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1 juillet 2021

La gare était vide. Seul quelques passagers attendaient leur train sans bruit, bercés par le silence. Le béton gris et froid, la gare du dix-neuvième siècle, les papiers qui volaient au sol ; cela aurait pu être plus joyeux. 

William serrait la poignée de sa valise à s'en faire blanchir les phalanges. Un train passa soudain sans s'arrêter, hurlant au milieu du calme ambiant. Le bruit des rails et du vent le fit grimacer.

Quelques secondes plus tard, il était parti. Combien de personnes étaient à l'intérieur ? A vivre leur propre vie ? À combattre leurs propres démons ? À rêver ? Toutes ces questions lui donnaient le tournis. William allait bientôt monter dans l'un de ces trains et partir vivre son rêve. Sortir d'un certain anonymat pour entrer dans la lumière. Seul.

Il regarda son ombre s'étendre à ses pieds. Pourquoi, alors que l'avenir lui tendait les bras, se sentait-il aussi peu certain ? Sa vie tournait autour du football depuis sa tendre enfance ; depuis ce fameux jour où Maxime était apparu devant lui pour apaiser sa peur. William avait gravi des montagnes pour en arriver là, de sélections en sélections, de clubs en clubs jusqu'à ce que son talent soit enfin remarqué. 

Alors pourquoi avait-il envie de tout plaquer ? De déchirer le contrat en confettis qu'il lancerait au gré du vent et se réfugier dans les bras de Maxime ? Le blondinet ne lui avait même pas avoué ses sentiments. Il avait été si lâche.

Un nouveau hurlement retenti dans la gare mais cette fois le train s'arrêta. La jeune femme assise avec lui sur le banc se leva et monta dans le monstre bruyant. William le regarda s'éloigner, perdu dans ses pensées.

Quand une ombre apparu près de la sienne, le jeune homme releva la tête. Ses yeux s'écarquillèrent de surprise quand il aperçut la silhouette plus que familière de son meilleur ami. Maxime le regardait, le visage fermé. Sa peau caramel était terne, ses yeux chocolat éteins et cernés. 

Ils se fixèrent en silence pendant quelques longues secondes qui semblèrent s'étirer en années. Les bras de son meilleur ami étaient crispés contre les lattes du banc en bois, ses jambes étendues devant lui tressautaient sans qu'il ne semble responsable de quoi que ce soit. William sentait son regard le détailler, l'étudier sous toutes ses coutures. Il détourna le regard.

— C'est le grand jour, hein ? fini par lancer Maxime.

— Faut croire. 

Le blondinet se retrouva soudain dans les bras de son meilleur ami et il accepta l'étreinte en fermant les yeux ; enroulant ses bras autour du cou de Maxime pour ne pas qu'il puisse s'éloigner. 

— Je ne veux pas te quitter.

— Mais tu ne veux pas non plus rester. Tu te voiles la face, au fond de toi tu es heureux, c'est ton rêve. Faut pas que tu culpabilises d'avoir envie d'y aller.

— J'ai peur pour nous.

Le menton de Maxime se posa sur sa tête et il l'entendit prendre une profonde inspiration.

— Moi aussi. Mais on est plus fort que ça. On se retrouvera plus fort, et plus c'est pas comme si tu partais à l'autre bout du monde. Paris c'est pas si loin tu sais.

Le brun essayait de le rassurer, il le sentait bien. Cela aurait peut-être marché si William ne le connaissait pas aussi bien. Il sentait les tremblements dans sa voix, ses bras qui serraient son corps un peu trop fort. Il avait beau affirmer le contraire, Maxime lui hurlait sans rien dire de rester.

Ils se turent un long moment, profitant du dernier moment de silence ensemble avant qui sait combien de temps ? Se voir allait être compliqué, mais ils allaient essayer. Quand le train de William fut annoncé par la voix féminine, les deux jeunes hommes se levèrent difficilement. 

Le blondinet entra en dernier dans le wagon ; sa valise pesait une tonne. Maxime lui attrapa soudain la main et il se retourna, faisant de son mieux pour retenir ses larmes. Maxime leva ses yeux rougis vers lui.

— Je serais là, pour toujours. Je te le promets. 

— Tu me protègeras ?

La question de William était enfantine, un brin stupide mais il avait besoin plus que jamais de connaître la réponse.

— Jusqu'à la fin. 

La promesse flotta quelques secondes dans les airs, soufflée par la voix grave et apaisante de son meilleur ami. William se vit soudain embrasser Maxime. Il descendit une marche vers lui mais les portes se fermèrent, obligeant le brun à lâcher sa main.

— Je t'aime, avoua William à la porte close.

Maxime ne pouvait plus l'entendre, c'était terminé. Le train démarra doucement, emportant le blondinet vers son avenir.

ÉvidenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant