Detroit : Love, Death and Robots (Hank x Connor)

4. Agnus Dei

Nombre de scientifiques s'accordaient aujourd'hui pour dire que l'arrivée progressive des androïdes, véritables bijoux de technologie de CyberLife, avait été l'entrée dans une nouvelle ère pour l'espèce humaine. Si une grande majorité d'économistes s'inquiétaient de la mainmise de l'entreprise originaire de Détroit sur ce qui était devenu des outils indispensables au bon fonctionnement de la société, les places de marché se ruaient sur les actions de CyberLife, nourrissant le consortium qui avait rapidement gratté des parts sur des entreprises prestigieuses comme Apple ou Microsoft ; les GAFAMs étaient devenues GAFACs.

Les droits des androïdes commençaient tout juste à être étudiés, alors que les premiers modèles d'androïdes nouvelle génération de chez CyberLife inondaient déjà les marketplaces européennes. Certains philosophes français réclamaient par exemple un droit de regard sur la manière dont étaient traités les machines intelligentes et un « droit de l'androïde » avait été mis en place après plusieurs scandales – notamment une sordide affaire de ponction de sang bleu chez des personnes âgées.

C'était avec ces maigres éléments en tête que Hank et Connor s'étaient rendus dans leur commissariat aux premières lueurs du jour – avec, pour le lieutenant, un visage encore chafouin de la nuit agitée qu'ils venaient de passer. Job avait été consigné dans une cellule à l'étage, sous surveillance, en attendant son interrogatoire.

- Bonjour Job. Fit le RK800 en pénétrant dans la salle totalement blanche.

L'androïde était assis, les mains posées bien à plat sur les cuisses. Il avait une expression neutre, calme. En vérité, il ne semblait même pas actif, comme s'il était éteint. Lorsque le jeune policier s'installa en face de lui, il sembla se réactiver.

- Bonjour Connor. Répondit-il d'une voix calme et mesurée.

Il ne semblait pas perturbé en outre mesure. Sa diode de contrôle – un ancien modèle – affichait un rythme de connexion stable à sa base de données. Malgré l'ancienneté de son processeur, il n'affichait pas les signes de surchauffe habituellement visibles chez ses semblables.

- Tu as été accusé d'avoir assassiné ton propriétaire, Abel Münch. Du fait du modus operandi relevé, tu es également suspecté d'avoir commis trois autres meurtres. Caecilia Jenkins, Pete Dawson Jr. Ces noms doivent te dire quelque chose. Enonça soigneusement Connor, guettant tout signe d'instabilité chez le suspect.

- Je connaissais Pete Dawson Jr. Je le gardais quand il était enfant. Mais je ne suis aucunement responsable de sa mort ni de celle de son attachée de presse. Répondit Job.

Connor croisa les doigts pour y déposer son menton. Job était bien trop calme pour un androïde déviant. Il se retint de soupirer – ce qui était mécaniquement inutile, mais qui avait comme point positif de lui faire évacuer sa frustration et sa tension – puis repris :

- Tu vas être désactivé, puis envoyé au frère d'Abel. Tu vas perdre toutes tes données et j'ai besoin de comprendre.

Job, avec des gestes toujours aussi calmes et mesurés, saisit le bras de Connor, délicatement. Le jeune policier eût un léger spasme au moment où il lui transféra ses données (ce modèle d'androïde utilisait un système d'encodage assez archaïque).

Un tourbillon sembla l'engloutir un instant, alors que tout devenait sombre autour de lui. Après quelques minutes en suspension dans cette obscurité inquiétante, des centaines d'images se formèrent sous ses yeux, se dévoilant à la manière de longs rubans de pellicule cinématographique.

La première vision qu'il eut fut celle d'un jeune enfant, courant dans l'herbe, habillé d'une culotte courte et d'un t-shirt ample. Job était derrière lui, tenant une peluche entre ses bras croisés. Le petit garçon lui faisait des signes, l'air plus qu'heureux. Il s'agissait sans aucun doute de Pete Dawson Jr. A travers les mouvements de l'androïde, Connor prit le petit garçon dans ses bras, le conduisant vers un goûter composé d'un chocolat chaud et de cookies fraîchement cuisinés.