6. Feels like Christmas

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Noël, fête préférée des Etats-Unis, pointait enfin le bout de son nez après deux mois de préparatifs – comprenant des dizaines de concerts d'hologrammes de Mariah Carey.

Dans la banlieue de Détroit, un épais manteau blanc tapissait le sol, rendant presque invisible dans le paysage les petites maisons familiales s'étendant en rangées bien organisées. Néanmoins malgré la monotonie ambiante, toutes les pelouses arboraient des couleurs festives : à grand renforts de LED dernier cri, rennes, Pères Noëls et lutins en tout genre dansaient la gigue.

Malgré cette ambiance colorée, le cœur de Hank n'était pourtant pas à la fête. Enfoncé dans son canapé, il fixait résolument le fond de sa tasse de café froid, les lèvres pincées. Vitreux, son regard glissait sans grand intérêt sur Connor, tout affairé qu'il était à décorer leur petit sapin.

Les yeux brillants, l'androïde accrochait méticuleusement les boules sur l'arbre artificiel, créant un camaïeu de teintes blanches et dorées sur le feuillage de plastique. Emmitouflé dans un vieux pull en tartan appartenant à son supérieur, nul n'aurait pu penser qu'il s'agissait d'un RK800 d'élite.

— Et voilà lieutenant ! Vous en pensez quoi ?! Sourit-il en accrochant une dernière décoration scintillante.

Un borborygme sortit de la gorge de l'homme pour seule réponse. L'esprit de Noël était-il une option implantée spécifiquement par Cyberlife pour rendre Connor casse-pieds, ou la déviance impliquait-elle ce trait exaspérant ?

— Vous n'allez pas rester à bouder toute la soirée, c'est Noël !

Comme pour l'achever, Sumo se mit à aboyer joyeusement, lui réclamant des gratouilles en tournant en rond autour de son fauteuil.

Le lieutenant de police lui jeta un regard blasé, continuant de marmonner :

— Les fédéraux sont sûrement en train de boucler Job. Ils vont détruire les preuves et il ne nous restera que des pistes froides qui ne mènent à rien...

Connor eut un petit sourire contrit, lui tendant la flèche en forme d'étoile destinée à décorer le haut du sapin tout en caressant affectueusement la tête du gros saint-Bernard.

— Vous avez l'occasion de laisser ces horreurs derrière vous pour la nuit. Ne vous minez pas, les fédéraux sont très bons eux aussi...

— Les fédéraux sont anti-androïdes. Ils feront tout pour sacrifier Job au nom de tous tes semblables. Et Job ne leur suffira pas. Ils te voudront toi.

Hank se mordit la lèvre. Sous ses airs bourrus, il était diablement inquiet. Avoir le FBI sur l'affaire allait saborder le statut de la police de Détroit et donner davantage de droits au crétin qu'était Perkins. Probablement même, on mettrait fin à leur collaboration avec Cyberlife.

On lui retirerait Connor.

Enfin, sans doute leur relation pourrait-elle continuer. Mais aux Etats-Unis, l'excuse de sa relation professionnelle avec son collègue robotique ne suffirait pas pour obtenir l'autorisation de le conserver chez lui - non pas qu'il n'outrepassait pas déjà les règles.

— Lieutenant... murmura le RK800, délaissant sa décoration festive pour s'agenouiller auprès de son amant. Le FBI...

— Parlons d'autre chose. Coupa l'homme aux cheveux grisonnants, la bouche sèche. Il passa une main sur ses yeux, frottant ses paupières gonflées de fatigue. Donne-moi c'te foutue étoile et fêtons Noël.

Quelques minutes plus tard, le sapin brillait de mille feux, éclairé à l'aide de guirlandes dorées dénichées par Hank dans son grenier. Sur l'écran de télévision, Connor avait affiché un feu de cheminée qui diffusait une ambiance feutrée dans le salon.

Detroit : Love, Death and Robots (Hank x Connor)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant