Chapitre 24 : Est-ce que je suis un saucisson ?

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        Cali sirota sa sangria fraîche avec délectation. L'acidulé des fruits stimulait son palais, le vin sucré diffusait une douce chaleur dans sa gorge, ce qui contrastait parfaitement avec la froideur des glaçons qui lui procuraient des frissons.

Le groupe d'amis s'était posé dans un bar lounge situé Calle Caldereria Nueva, la rue de Grenade spécialisée dans la gastronomie orientale. En effet, pour continuer leur voyage au temps des Mille et une Nuits, ils avaient décidé de se détendre à la Teteria Dar Lahbib où l'on fumait le narguilé dans des salons en cercle parsemés de coussins moelleux, autour de pâtisseries orientales.

        Ils avaient suivi leur visite des palais de l'Alhambra par un tour dans le quartier gitan du Sacromonte et ses habitations troglodytes. Certaines grottes aux devantures chamarrées avaient même été aménagées pour accueillir des représentations de flamenco. Des "rabatteurs" s'y postaient pour héler les touristes à coups de " Espectáculo de flamenco ! Increíble ! Adelante ! " (*Spectacle de Flamenco ! Génial ! Entrez !*).

         Leurs pas les avaient ensuite menés sur la colline de l'Albaicin - où se réfugièrent les musulmans et les juifs au lendemain de la prise de Grenade par les catholiques en 1492 - avec ses maisons pittoresques blanchies à la chaux.

Enfin, leur exploration de Grenada s'était achevée par la découverte de la Chapelle Royale, qui abritait les sépultures des Rois Catholiques ayant conduit les croisades : Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon, grands-parents de l'empereur Charles Quint.

Ce moment resta gravé dans la mémoire de l'écrivaine. L'aura et le sacré entourant leurs sépultures la bouleversèrent. Elle ne revenait pas de la chance qu'elle avait de pouvoir admirer les tombeaux de ces illustres personnages ayant marqué l'histoire, même si la religion en elle-même ne l'intéressait pas.

— On n'a toujours pas trinqué à tu-sais-quoi ! lui murmura soudain Mélodie en laissant échapper de ses lèvres des volutes de chicha à la pomme.

— De quoi ? interrogea Cali, se réveillant de ses habituelles rêveries.

      Profitant de l'absence des garçons qui commandaient des boissons au bar et de Carmen aux toilettes, l'étudiante s'approcha de son amie :

— Tchin à ton vagin tu te souviens ? pouffa-t-elle. On peut dire que là, il y a de quoi trinquer, on ne vous arrête plus ! continua-t-elle de s'esclaffer.

La romancière s'empourpra et jeta un coussin finement brodé à la figure de Mélodie. Elle lui retira l'embout du narguilé des mains.

— Fais tourner un peu au lieu de raconter des bêtises !

     Elle aspira longuement la vapeur aromatisée avant de la recracher en toussotant - ou comment fumer avec élégance.

— Bon, hihi, j'avoue qu'il me fait graaaave grimper aux rideaux... C'est juste... Oh là, là... Incroyable. Mais y'a pas que ça, je sens une réelle connexion entre nous. Mélo, je crois que je suis vraiment amoureuse, finit-elle par déclarer en chuchotant.

Son amie émit un petit cri aigu avant de la prendre dans ses bras.

— Moi aussi, ma chérie, moi aussi... Qu'on fait les Llorente de nous ?

Sur ces mots, Carmen les rejoint suivie par Guillaume qui apportait du thé à la menthe et des petits gâteaux au miel.

Perdon bebe ? Toi parler de moi ? questionna la belle brune.

       Mélodie releva aussitôt la tête avec un sourire chaleureux, attira son amoureuse en saisissant son menton et l'embrassa tendrement. Guigui se plaça à côté d'elles, s'accouda à la table basse sans rater une miette de leurs embrassades.

Printemps à Séville [TERMINEE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant