Scène I
Okay.
Je craque sur un mec.
Mais c'est pas comme craquer sur un musicien ou un acteur quelconque. Là, c'est pour de vrai. Forcément. C'en est presque délirant.Car, enfin, me voilà étendu sur la moquette du sous-sol de Ryu, et tout ce qui compte au monde, c'est le dernier mail de Baiko. Ryu et Kiyoko déblatèrent sur la philosophie du voyage temporel à la con. Sans se douter de rien. Sans même se douter que je préfère les garçons.
Et je ne sais pas comment gérer ça. Après l'avoir annoncé à Yachi, je pensais que ce serait facile de leur annoncer. Plus facile.
Mais ça ne l'est pas. C'est impossible. Parce que même si j'ai l'impression de connaître Yachi depuis toujours, elle ne vit ici que depuis quelques mois. Et je suppose qu'elle n'a pas eu le temps de faire d'a priori sur moi. Alors que Kiyoko, je la connais depuis le cm2, et Ryu depuis l'âge de quatre ans. Et cette histoire d'orientation...ça me semble énorme. Presque insurmontable. Je ne sais pas comment leur révéler une chose pareille et retourner à ma vie de Tobio Kageyama après.
Parce que si Kiyoko et Ryu ne me reconnaissent pas, je ne me reconnaîtrai pas non plus.
Scène IIPremier samedi des vacances de Noël. On est tous assis en cercle sur la scène à manger des donuts en buvant du café dans des gobelets en plastique. Pas un seul d'entre nous ne porte un pantalon normal.
Les doigts poisseux de sucre, je me sens très loin de tout ça. Je fixe le mur de briques du fond. Intéressant, ces doubles hélices. Je vais penser à ça, tiens.
Essayer d'éviter certaines pensées, c'est comme jouer au jeu de la taupe. Chaque fois qu'on en repousse une dans son terrier, une autre pointe le museau à la surface.
Mes taupes sont au nombre de deux. La première, c'est le fait que j'ai traîné avec Ryu et Kiyoko trois fois cette semaine après les répétitions, ce qui veut dire autant d'occasions de me dégonfler. Et la deuxième, c'est Baiko, avec sa grammaire parfaite, qui ignore que je relis vingt fois chacun de mes mails avant de les lui envoyer. Baiko, si doux et pourtant si dragueur par moments. Qui pense au sexe, et à faire l'amour avec moi.
Mais vous savez... les doubles hélices. Qui tournent en rond, sinueuses.
Hinata fait son entrée au fond de l'auditorium, affublé de bigoudis dans les tifs.
—— Oh, waouh. Il a vraiment...okay.
Yachi glousse après ses propres paroles. Puis, elle sourit au rouquin, qui trébuche alors sur le néant absolu. Il se rattrape à l'accoudoir d'un fauteuil avec un sourire triomphant. Du pur Hinata. Tout fait partie du spectacle pour lui.
Monsieur Takeda rejoint le cercle sur scène et nous rappelle à l'ordre. Avec Yachi, on se rapproche du groupe. Je me retrouve à côté de Tsukichima, à qui j'adresse un sourire sarcastique. Il me donne un léger coup de poing sur le bras, le regard fixé droit devant lui. Je sais qu'il m'en veut de n'avoir toujours rien arrangé entre lui et Yachi.
—— Voilà ce qu'on va faire, les enfants, annonce Monsieur Takeda. On va affiner les numéros musicaux cette semaine. D'abord les duos, puis les grands ensembles. Pause pizza à midi, après quoi on file le tout.
Une acclamation tonne au mot "pizza". Par-dessus l'épaule du professeur, j'aperçois un grand élève que je n'avais jamais remarqué, assis sur une plate-forme. Terminal ? Il ne joue pas dans la pièce, j'aperçois un micro à son oreillette. Régisseur ? Il est occupé à griffonner quelque chose sur une feuille. Baiko m'avait évoqué le dessin.
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𝗟𝗼𝘃𝗲, 𝗧𝗼𝗯𝗶𝗼
Fiksi Penggemar• Ou « comment faire son coming-out pour les nuls ». Moi, c'est Tobio. Tobio Kageyama. Accessoirement acteur au club de théâtre du lycée. J'ai une passion profonde pour les briques de lait. Et je suis raide dingue de Baiko. Baiko, c'est quelqu'un q...