Adelphes

1 : Antha

Amel était introuvable, au village. Alors, je suis allée le chercher dans les champs.

Il est très doué pour se cacher, mais je le connais bien, je vais le dénicher !

Maintenant, je suis une grande de huit ans. Mais, je me souviens quand j'étais petite, comme Amel. Moi aussi, j'ai dû passer l'épreuve. Nous, les filles, on doit faire un gâteau. Il faut montrer qu'on sait choisir les bons ingrédients, se servir du grand four et le présenter convenablement aux Anciens. Mamlal m'avait bien fait répéter, même si, faut avouer, la cuisine, ça ne me plait pas trop. Du coup, j'avais choisi un dessert simple : la flamente, c'est à dire la tarte au fromage traditionnelle. Les vieilles personnes du village, elles sont toujours contentes, quand on respecte les coutumes. J'avais passé l'épreuve sans trop de difficultés, même si j'avais eu un peu de mal à faire appel à ma flamme intérieure pour allumer le feu.

Amel, lui, c'est un garçon. Alors, à trois ans, il ne doit pas faire un gâteau et le servir, mais suivre un parcours d'obstacles. Le problème, c'est que, mon petit frère, il n'est pas très facile à convaincre. Quand il n'a pas envie, il n'a pas envie. Et, l'épreuve des enfants, ça ne l'intéresse pas beaucoup, je crois. De toute façon, il n'aime pas la foule. Seulement, les garçons, tout le monde vient les voir et les applaudir. On fait une grande fête, dans le village. Mais Amel, il déteste le bruit et l'agitation.

Depuis qu'on a installé le parcours d'entrainement pour les garçons, mon petit frère passe tout son temps dans les champs. J'avoue que, moi aussi, j'aime beaucoup aller me promener. Même si nous, les filles, on n'est pas censées aller crapahuter toutes seules dans la campagne. Mais, Amel, il est vraiment particulier : parfois, il disparait plusieurs jours. Ça inquiète beaucoup Mamlal et Padal. Mamlal pleure, parce qu'elle a peur qu'il se fasse croquer par un rund. Faut dire qu'ils sont dangereux, les runds : ils ont des grandes dents, des longues griffes et leur queue bat l'air "zoum zoum" ! Comme ça ! Enfin c'est ce qu'on m'a dit. Je n'en ai jamais rencontré. Heureusement, parce que le fils du fagottier, il en a croisé un, un jour, et on l'a retrouvé un peu mort. L'enfant, pas le rund. Les runds, ils sont très forts. Heureusement, ils ne vont pas trop dans les champs, sauf quand on sort le bétail.

Padal l'a déjà cherché, Amel. Seulement, comme je le disais, mon petit frère, il se cache bien, quand il veut, le coquin. Il se plaque au sol et ne bouge plus. Avec les lénalées qui poussent en bouquets et qui sont battues par les vents, autant chercher une aiguille dans une botte de foin ! Mais, moi, je sais qu'il va toujours aux mêmes endroits : ça dépend de l'emplacement des étoiles.

Amel, il les adore, les étoiles et, surtout, il déteste le changement. Alors, c'est facile. Mais je n'ai jamais dit ça à personne. Je sais qu'il m'en voudrait beaucoup que je le trahisse.

Il est là. Allongé sur le dos, les yeux grands ouverts sur ses rêves. Il regarde le ciel rempli de nuages. Il doit attendre la nuit.

*** Bonjour à toutes et à tous ! J'espère que ce premier chapitre à la rédaction un peu particulière vous plaira. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez ! Ma plus grande crainte, c'est que les monologues d'Antha soient pesants à lire, à la longue. Je vais alterner avec un chapitre du point de vue d'Antha et un chapitre du point de vue d'Amel tous les deux jours (ils sont courts, on verra bien si je tiens le rythme). Vous verrez qu'Amel à une façon de voir les choses très différente et assez personnelle pour un enfant de trois ans. J'attends vos avis ! :) ***