Chapitre 2: Méfiance

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S'il n'avait pas été préparé, Kaeya n'aurait jamais pu survivre.

Il avait beau être très jeune, son père s'était appliqué à lui enseigner tous les jours ce qu'il était et quelle était sa mission. Dès qu'il fut en âge de comprendre, d'abord par des métaphores enfantines, puis petit à petit en complexifiant ses propos. Il avait appris à se battre dès qu'il put tenir sur ses deux jambes, et sa première épée lui fut offerte en guise de premier jouet. Il ne lui semblait pas avoir eu un véritable souvenir d'enfance non lié à son "destin", au combat ou au passé tragique de ses ancêtres. Jour après jour, il s'imprégnait de cette culture, et apprenait son rôle sans broncher. Cela faisait plaisir à son père. Et c'était tout ce qui comptait pour lui.

Le voyage jusqu'à Mondstadt fut long et pénible, et malheureusement pour lui, les conditions météorologiques désastreuses.

"Parfait." S'était exclamé son père. "Cela l'incitera encore plus à te récupérer, au moins pour une nuit. À toi de te débrouiller pour rester le plus longtemps possible."

Crepus Ravinghdr était un homme riche et puissant au sein de Mondstadt, lié à l'Ordre Favonius sans en faire partie. C'était un point d'infiltration parfait, sans que personne ne se doute de quoi que ce soit. Tout était déjà préparé, tout était déjà prévu; tout reposait désormais sur les capacités de Kaeya à se faire accepter au sein du domaine de l'Aurore. Et s'il n'y arrivait pas, au moins se faire intégrer au sein de Mondstadt. Taire ses origines. Taire sa mission au péril de sa vie. Faire comme si sa vie avant Mondstadt n'ai jamais existé jusqu'au jour promis.

Et surtout, ne jamais trahir ce qu'il était réellement.

"N'oublie jamais la raison principale pour laquelle tu es venue ici." Lui répéta une dernière fois son père en le guidant à travers les vignes. "Les années passeront, mais le moment finira par arriver pour Khaenri'ah. Tu es notre dernier espoir, alors n'échoue pas dans ta mission, d'accord?"

Kaeya avait acquiescé, comme il avait toujours acquiescé à ce que son père lui avait dit. Il avait toujours fait de son mieux pour comprendre son rôle, pour apprendre à se battre, pour apprendre l'histoire de son pays. Jamais il n'avait échoué, son père lui-même disant qu'il était un "prodige". Tout le monde avait loué ses talents et son avenir. Tout le monde avait été fier de lui, et pour un enfant comme lui qui cherchait juste l'amour et l'attention de sa figure d'attachement, c'était satisfaisant. Il était aimé, du moins c'est ce qu'il pensait. Il avait tout fait bien pour ne jamais décevoir.

Pourtant, alors qu'il voyait le groupe composé de son père et d'autres personnes de son entourage qui l'avaient vu grandir s'éloigner sous la pluie, il sentit une étrange boule se former dans sa gorge. Il retint sa forte envie de quitter le champ de vigne qui l'entourait pour les rejoindre. Il retint ses larmes et ses cris suppliant de le ramener à la maison. Il retint sa peur et son désespoir alors qu'il se retrouva bientôt tout seul, dans l'humidité, le froid et le noir. Il se comporta comme on avait toujours attendu qu'il se comporte. Il était un bon garçon, obéissant, fier et doué.

Alors pourquoi m'ont-ils abandonné?

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Heureusement pour lui, ce fut Crepus qui le trouva rapidement avant qu'il ne succombe au froid.

Gelé, pétrifié et en état de choc. L'esprit de Kaeya s'était vidé pour parer à la cruauté de la situation qui lui arrivait, et préserver un semblant de santé mentale. Lorsque l'homme lui parla, il répondit machinalement ce qu'il avait répété pendant des jours. Lorsque le gérant du Domaine le prit dans ses bras pour le soulever, il ne manifesta aucune résistance. Pendant le trajet, il oublia la raison de sa présence et ne pensa qu'à une chose: Il avait froid. Il avait peur. Il était seul. Et son père ne reviendra pas le chercher. Il était livré à lui-même et son sort dépendait désormais d'étrangers qu'il ne connaissait pas.

La chaleur de tes brasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant