Chapitre 5: Dépendance

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La première fois que Kaeya a reçu une marque d'affection, il n'a pas su comment réagir.

Le concept même d'avoir de l'attention de manière inconditionnelle lui était étranger, pour lui qui avait toujours à prouver sa valeur auprès des adultes de son entourage depuis tout petit. Les rares fois où son père l'avait félicité s'étaient plus apparentées à une auto-suffisance qu'une réelle fierté envers son fils. Malheureusement, le contraire n'était pas vrai: lorsque Kaeya avait mal fait une chose, les reproches et les critiques étaient bien plus exprimés. C'est peut-être pour cela qu'il n'avait su réagir lorsque Crepus l'avait complimenté sur son apprentissage rapide de la langue locale, ou lorsque Diluc avait loué ses talents au maniement de l'épée.

Chaque fois que son père adoptif louait quelque chose qui, à ses yeux, n'était pas si extraordinaire, il se demandait toujours ce qu'il pouvait bien voir de si incroyable. Puis très souvent, il travaillait deux fois plus dur dans ce qu'ils remarquaient de si bien chez lui par peur de les décevoir. La langue, les cours, le combat, les bonnes manières; tout ce qu'il n'était pas sûr de maîtriser faisait l'objet d'un travail acharné, qui aurait sans doute eut raison de sa forme si Diluc n'avait pas été là pour le tempérer afin qu'il se repose. Mais il avait peur. Peur de ne pas être assez bien pour cette nouvelle famille. Peur qu'ils découvrent la supercherie. Peur qu'ils le rejettent. Peur qu'ils le haïssent.

Alors il faisait de son mieux.

Et quand il recevait une caresse dans les cheveux ou un baiser sur le front de la part de Crepus, une partie de lui se réchauffait, une autre partie de lui se sentait anxieuse. Dans ces moments-là, il cherchait alors un soutient, une confirmation dans le regard de Diluc qui connaissait son père mieux que lui. Le jeune homme aux yeux rouges lui prenait alors la main avec un sourire et hochait la tête pour lui signifier que oui, il faisait les choses bien. Ce n'était que dans ces conditions que, temporairement, il pouvait soulager un peu son angoisse, et apprécier d'être choyé comme n'importe quel enfant de son âge.

Crepus était un homme fort, avec une corpulence et une présence affirmée, mais il dégageait une douceur réconfortante qui s'apparentait à celle de Diluc. La même envie de protéger se lisait dans son langage corporel, notamment lorsqu'il prenait ses deux enfants dans ses grands bras musclés. Ces câlins à trois étaient sans doute les préférés de Kaeya, car il pouvait à la fois profiter de la chaleur de Crepus, et la présence de Diluc qui lui était devenue indispensable. Tout en se pelotonnant contre le torse de son père adoptif, il tenait la main du garçon aux cheveux carmin.

Et dans ces moments, il pouvait le dire: il se sentait aimé.

Comme durant cette fin d'après-midi qui le marqua. Il lisait un livre d'aventures dans l'une des reserves derrière le manoir. Un endroit où il était sûr que personne ne viendrait le déranger. Personne à part bien sûr Diluc qui ne connaissait tous ses rituels par coeur. Il était rare qu'ils passent une journée sans être ensemble, mais il arrivait parfois qu'ils aient besoin de temps à eux pour se ressourcer et faire autre chose, surtout Kaeya. Son compagnon de jeu était assez compréhensif pour le laisser s'occuper, et partait faire des choses qui ne se faisaient que solitairement, souvent relire ses leçons ou s'entraîner aux armes. Il savait que si vraiment il avait besoin de voir Kaeya, ce dernier ne refuserait pas sa compagnie.

"Kaeya! Tu es là!"

En effet, le garçon aux yeux bleus ne fut ni surpris, ni agacé lorsqu'il débarqua sans prévenir dans sa petite bulle. Il avait perdu la notion du temps, plongé dans sa lecture des récits incroyables d'un capitaine pirate, de son trésor caché, et des aventuriers prêts à tout pour le récupérer. Il n'était pas sûr que Diluc ait déjà lu cette histoire, lui qui semblait préférer les livres historiques, et les légendes mondstadtoises. Ce dernier semblait excité comme une puce, comme s'il venait de découvrir quelque chose d'incroyable qui allait changer le cours de leur vie.

La chaleur de tes brasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant