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> chifuyu
n'oublie pas de me
rendre mon chargeur.

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Rectification : Le chargeur qu'il a emprunté à sa sœur, qui elle-même, l'a piqué à une amie.
Dès que quelque chose arrive dans les mains de Chifuyu, c'est gravé au fer rouge dans sa tête comme quoi c'est à lui. Il fait surtout ça avec moi ; juste pour m'emmerder, ou je ne sais pas pourquoi. En tout cas, je suis censé le rejoindre à 18h00 chez lui, du temps qu'on se rende à la soirée, ensemble, mais je suis encore bloqué dans ma chambre à savoir quoi mettre. Heureusement que ce n'est pas une soirée déguisé : ma mère m'aurait forcé à mettre son déguisement de cat-woman qui date de sa vingtaine.
Non merci, honnêtement.

Tout ou rien, je mets le nouveau sweat gris que j'ai acheté et mon jean délavé. Personne ne me fera de remaraues dessus, je ne suis pas le genre à m'afficher en soirée.
Chifuyu non plus.
Ce que je ne comprends pas : il n'est pas le type le plus sociable que je connaisse. Depuis la primaire, je l'ai toujours connu solitaire et mis à part quelques connaissances, on va dire que je suis son seul meilleur ami — ou frère, selon son père.

> moi
t'inquiètes, il est
dans mon sac ;)

Je passe une dernière fois devant mon miroir, inspecte mes cheveux noirs et les yeux bleus reflètent quelqu'un qui n'a pas dormi de la nuit.
Littéralement.
J'ai passé une nuit blanche et mes cernes me le font bien comprendre.
Je ne dors pas bien ces temps-ci. Il y a cette fille pour qui j'ai — j'avais — un béguin depuis le collège. On s'était plutôt bien rapproché car on était à côté en classe et les TP de sciences, elle devenait ma binôme préférée.
Pas plus tard qu'il y a quatre jours, j'ai appris qu'elle sortait avec la sœur d'un ancien camarade de classe, Hakkai (il me semble) à qui j'ai dû parler deux ou trois fois parce que ma gomme tombait par terre et qu'il a les bras longs. Malgré ses airs de racaille, Hakkai est vraiment une crème avec tout le monde ; sa sœur, Yuzuha, est plus dans le genre bagarre, alors personne n'ose la chercher.

Avant de fermer la maison à clé, je vérifie que le "chargeur" de Chifuyu est bien dans mon sac, il y est, et je suis partit sous la lumière des lampadaires.

J'arrive vers 18h02 chez Chifuyu et il m'attends déjà dans la voiture avec son père. Les sœurs de Chifuyu (elles sont deux) restent sur le perron de la maison, faisant de grands gestes pour dire au revoir.

- Mec, on va être en retard !

- Même pas tu me dis bonjour.

Chifuyu lève les yeux au ciel et souffle. Plus rageux que lui, tu meurs.
Je monte dans la voiture et envoie un message à ma mère pour lui dire que je pars à la soirée.

- Prêts pour ce soir les gars ? s'écrie le père de Chifuyu, plus enjoué que Chifuyu et moi.

- Ouaiiis...

- Je sens votre enthousiasme au plus haut.

- Les soirées et moi, ça fait deux.

- Pourquoi tu y vas alors ? le taquine son père.

- Y'a son crush, je m'empresse de répondre et Chifuyu et à deux doigts de me jeter de la voiture.

Son père rigole. La bisexualité de Chifuyu n'a de secret pour personne dans sa famille. Il a fait son coming-out en dernière année de collège assez facilement et la plupart de sa famille l'a bien pris. Sauf ses grands-parents et un de ses oncles — homophobes et racistes, le meilleur combo.

- Celui avec les cheveux bi-colores ?

- Non. (Chifuyu a le regard fuyant.)

- Si, si, il s'appelle Kazutora.

- Ahhh, je cherchais son nom ! Il a l'air gentil comme garçon. Tu me le présenteras ~.

- DANS TES RÊVES ! 

Chifuyu est rouge de la tête aux pieds et pas moyen pour lui d'assumer qu'il aime un peu beaucoup Kazutora. En même temps, c'est difficile de le détester. Il est assez populaire dans le lycée et il passe son temps à aider les autres. Il n'a pas les meilleurs notes de sa classe ni les pires, le juste milieu.
Le reste du trajet se résume à de la vieille musique dont tout le monde connaît les paroles. Chifuyu ne rate pas une occasion de participer à ce karaoké improvisé et on se déchaîne un peu dans la voiture.
Le cirque a duré 12 minutes.
Le GPS indique que nous sommes déjà arrivés. Mentalement, je prie pour que la soirée se passe bien. Chifuyu arbore une mine un peu plus sérieuse même si je sais qu'il est mort de trouille.
On tape dans la main de son père qui nous charrie encore sur le fait qu'on doit "pécho" toute la soirée. Son regard s'est attardé sur Chifuyu qui lui a aussitôt fait un doigt.
Si leur relation est fusionnelle, certains enfants seraient jaloux de ne pas pouvoir faire ce genre de gestes à leurs parents.

On sort de la voiture en claquant les portières tandis que la musique aux fortes basses nous saisit l'estomac.
Je regarde Chifuyu.

- On va mourir, je déclare, à demi-sourire.

- Moi en premier.

On pleure intérieurement, se souhaitant bon courage.
Adieu.

𝐝𝐞𝐮𝐱 𝐠𝐚𝐫𝐜̧𝐨𝐧𝐬 | ₍ᐢ ̥ ̮ ̥ᐢ₎ 𝐭𝐫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant