𝐝𝐞𝐮𝐱 𝐠𝐚𝐫𝐜̧𝐨𝐧𝐬 | ₍ᐢ ̥ ̮ ̥ᐢ₎ 𝐭𝐫

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𝐬. 𝐞𝐦𝐦𝐚

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Une nébuleuse de souvenirs et de douleurs. Elle n'entend pas les bips réguliers dans cette chambre austère, ni ne sent cette odeur d'antiseptique ; elle est à peine consciente, elle est là sans être là. Elle se sent juste étouffer dans son propre corps, la chaleur lui colle à la peau. Son front brûle de fièvre par moment, sa chair meurtrie et grillée est serrée dans de gros bandages compressifs, des gazes. Son rythme cardiaque augmente par moment. Rien d'alarmant ; elle cauchemarde, sans fin, sans pouvoir lutter, ni pouvoir ouvrir les yeux. Elle doit subir tout ça. Sans la ronde des infirmières, le corps d'Emma se laisserait mourir de soif et de faim. 

- ...comment va Emma ? 

Mikey, assis et les coudes posés sur les genoux, ne releva même pas la tête vers Takemichi. Ses yeux restaient rivés sur le sol. Le blondinet jeta un œil au travers de la vitre qui les séparait de la chambre aux rideaux tirés. 

- Tu devrais aller te reposer, Mikey-kun. 

D'après ce que ce dernier lui avait dit, cela faisait plusieurs jours qu'il était au chevet d'Emma sans trop dormir. Takemichi se convainquait même que Mikey n'avait pas dormi depuis lors. 

- Les médecins ont dit quelque chose à propos de son état...? 

Takemichi prenait des pincettes. Il redoutait que Mikey ne lui adresse un regard noir à glacer le sang, mais il ne fit rien. Il restait tout simplement muet. 
Ses cernes dévoraient ses yeux. Il avait bien senti la présence de Takemichi, il n'avait juste pas l'énergie de lui répondre, ni même l'envie. Mikey s'accrochait à l'espoir qu'Emma reste en vie, il le fallait. Qu'est-ce qu'il ferait sans elle, sinon ? Elle était la dernière famille qui lui restait. La perdre le détruirait. 

Takemichi s'assit à l'opposé de Mikey, dos au mur et les poings repliés sur ses jambes. Il ne le lâchait pas du regard. Un peu plus et il aurait fondu en larmes à cause de la tristesse que devait ressentir Mikey. Mais qu'est-ce que Takemichi pouvait faire d'autre ? Rien. Il n'allait pas forcer Mikey à parler. Takemichi voulait simplement lui parler, tant pis s'il ne l'écoutait pas. 

- Dis, Mikey. Je suis sûr qu'Emma va s'en sortir. C'est une battante. 

Même si ses poings tremblaient, Takemichi croyait dur comme fer à ses propres paroles. Ne voulait-il pas plutôt se rassurer lui-même que rien n'arriverait à Emma plutôt que Mikey ? La gorge de Takemichi se serra. 
Quel con je suis ! Même si Emma se réveille, rien ne dit qu'elle acceptera ce que son corps est devenu... 
Takemichi avait tellement de questions à poser à Mikey, mais les mots brûlaient sur ses lèvres, il n'en restait que des cendres, puis plus rien. Aux informations, durant deux jours, avaient tourné en boucle les issues des affrontements entre le Rokuhara Tandai et le Toman. Une victoire de ces derniers en principe. La police est intervenue à temps avant que le bilan ne soit plus lourd. 

- Takemichi. 

Le concerné leva vivement la tête, rencontrant le regard de Mikey - sombre et insondable -, stupéfait. 

- Euh, oui ? 

- J'ai failli tuer quelqu'un.

Mikey annonça ceci si brutalement que Takemichi sentit presque son cœur s'arrêter pour de vrai. Mais en face de lui, les prunelles obsidiennes de Mikey ne trahissaient aucune émotion. Comme si cette phrase ne lui faisait ni chaud ni froid. Incapable d'y répondre, Takemichi resta interdit, les poings se desserrant inconsciemment alors que ses yeux s'écarquillaient. Le mot tuer résonnait dans sa tête. Takemichi ne pouvait pas imaginer une seule seconde Mikey tuer quelqu'un, cela lui était inconcevable, mais il l'avait déjà prévu. 

"Si je tue quelqu'un, je veux que tu mettes fin à ma vie aussi, Takemitchy. Tu me le promets ? "

Mais... qu'est-ce qui a fait en sorte que Mikey ne commette pas l'irréparable ? 

- Si je l'avais fait, j'aurais éloigné Emma de moi, j'aurais éloigné tout le monde de ce que je suis. Je détruis tout ce que je touche, Takemitchy. Et j'ai envie que ça s'arrête. 

- Mikey... 

Il se leva de sa chaise, les bras le long du corps, sans penser à rien de particulier. Sa colère avait beau bouillir dans ses veines, ses cernes témoignant de longues nuits sans sommeil avaient beau lui bouffer toute sa santé ; Mikey tenait encore debout. Il ne savait pas trop comment. Ses jambes marchaient sans lui, comment était-ce possible ? 
Il tourna les talons pour s'éloigner du couloir. En y prêtant bien attention, des cris servaient de toile de fond dans le service des grands brûlés, un ballet d'infirmières vont et venaient, parfois accompagnées, parfois seules. 

Takemichi le retint par le poignet. 

- Attends, Mikey... comment ça : tu veux tout arrêter ?? Tu ne comptes pas-...

Mikey fulmina dans son soupire et fit volte-face vers Takemichi. Alors que Mikey aurait regardé n'importe qui avec des fentes sombres, prêt à lever le poing, il dévisagea simplement Takemichi avant de sourire sarcastiquement. 

- Tu penses que je vais vider un flacon de codéine, c'est ça ? Dis-le moi si tu me trouves trop fragile. (Son regard s'assombrit.) Lâche mon poignet, maintenant. 

- Si je le fais... tu vas partir.

- Et ? 

- Et tu ne vas jamais revenir.