Le commencement

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Il y a des jours de notre vie, qu'il vaudrait mieux oublier. Mais ce n'est malheureusement pas possible, à moins d'être malade d'Alzheimer. Mais parfois, ce jour est si douloureux, que l'on préférerait mille fois être malade, plutôt que de subir l'intrusion des souvenirs maudits du matin au soir et du soir au matin, la nuit dans les cauchemars, et le jour, pendant chaque action que nous faisons. Je sais, c'est horrible à dire. Nous voulons y mettre fin, par tous les moyens. Pour enfin faire taire ces satanés souvenirs qui nous rongent de l'intérieur. Je dis bien tous les moyens. Sans exception.

Je l'ai malheureusement vécu. Je me rappelle encore du bureau de police de la brigade des mineurs. L'inspecteur me posait tout un tas de questions, avec un air grave. J'y répondais avec assurance, mais les larmes ne pouvaient pas s'empêcher de couler. J'avais eu six longues années pour m'y préparer, pour bien réfléchir sur ce qui m'était arrivé. J'ai appris à très bien me connaître et comprendre mes réactions. Mais malgré cela, la douleur était encore présente. Je pense qu'elle ne partira jamais. Elle me suivra jusque dans ma tombe.

Je sais que vous êtes curieux de savoir ce qui m'a tant chagrinée. Je vous le dirai le moment venu, ne vous inquiétez pas. Mais pour le moment, il serait judicieux que je me présente. Je n'ai pas envie que vous mettiez une étiquette sur moi dès le début en mode "la fille qui a subi ça".
J'ai beaucoup plus de choses à dire.

Donc vous l'aurez compris, je suis une fille. J'ai vingt-deux ans aujourd'hui. Honnêtement, je pense que malgré tout, j'ai réussi ma vie. J'ai eu un magnifique mariage à vingt ans, avec un homme qui a tout autant souffert dans sa vie que moi. Cela a été notre force. Il me dit souvent « nous nous sommes entre-sauvés ». Il n'y a pas plus vrai que cette phrase. Disons que notre début de vie réciproque a été houleux. Sa mère s'est suicidée lorsqu'il avait six mois. Il ne l'a jamais connue. Après ce suicide, son père s'est remis à boire. Beaucoup trop. Il a enchaîné les problèmes de santé. Il a lui aussi tenté de mettre fin à ses jours, quelques mois après le suicide de sa compagne. Il a ingéré une quantité astronomique de médicaments. Heureusement pour mon mari, le coeur de son papa a tenu miraculeusement, et il a été hospitalisé.
Après cela, ce brave homme a décidé d'élever son deuxième fils coûte que coûte. Son premier fils, issu d'une union précédente, est resté avec sa mère, qui avait coupé tout contact avec lui. Mon mari, Romain, était donc le seul fils qui lui restait à cette époque. Il a donc été élevé comme fils unique, tant bien que mal, par un papa usé par la vie et la maladie. Le diabète de type 2 ne pardonne pas. Surtout lorsqu'il est mélangé à plusieurs litres de William Peel par semaine, avec de la dépression sévère en prime.
Je me souviens encore de l'époque où le papa de Romain était encore en vie. Nous étions au début de notre relation ensemble, et allions souvent faire les courses pour son père et lui. Le pauvre homme, après plusieurs chutes, s'était retrouvé handicapé. Il ne se levait presque plus de son fauteuil.
Je me souviens des regards jugeants, condamnants, lorsque l'on nous voyait en train de transporter plusieurs bouteilles de 2L de whisky premier prix. Je me rappelle encore de la honte que mon mari éprouvait aux caisses de supermarché. Il était content que je sois là avec lui dans ces moments. Il se sentait moins seul et désemparé face à tout cela. Honnêtement, cela ne me dérangerait pas tant que ça. C'était certes triste, mais un couple est fait pour se soutenir quoiqu'il arrive.

Mon passé à moi a été également assez houleux. Je suis née en Russie, de la première union de ma mère avec un homme russe. Leur mariage a duré trois ans à tout casser. Et le divorce a été compliqué. Très compliqué. Mon père biologique était policier. Il avait une arme de service. Vous devinez la suite.

Lorsqu'il était venu toquer à la porte de chez ma grand-mère, où ma mère était retournée vivre avec moi, elle ne se doutait pas de ce qui allait suivre. J'étais dans ses bras lorsqu'elle a ouvert. J'avais à peine un an.
C'est là que nous avons vu mon père, ivre, avec une bouteille de vodka à la main, et son arme de service dans l'autre. Je ne m'en souviens pas. On me l'a raconté par la suite.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 17, 2021 ⏰

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