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     Et cela faisait maintenant deux semaines que Chiller rendait visite à Mado. Deux semaines où il ne se passa absolument rien, au grand dam de Burnett, qui se maudissait d'avoir de telles pensées. Bien sûr, il n'avait aucune envie qu'une chose grave n'advienne à cause de cet incident -et il espérait peut-être, au fond de lui, douter un peu plus de son arrivée- mais il ne pouvait s'empêcher de guetter la moindre variation avec une rigidité qui faisait littéralement froid dans le dos. La moindre petite variation qui puisse renverser ce satané sourire narquois que l'autre continuait d'arborer. Car s'il ne se passa pas grand chose dans le cours de l'existence, rien n'ébranla beaucoup non plus le quotidien des Pass'âmes, et Chiller continuait de déambuler dans l'entrepôt comme si de rien n'était. Comme d'ordinaire il grattait les cordes de sa guitare avec Lux, passait des heures entières sur la balancelle de la serre à regarder Synth bichonner ses plantes, et se saoulait jusqu'à pas d'heure en compagnie de Lagune. Sans oublier bien sûr son éternelle ignorance envers les regards farouches de son collègue glacé. Il étendait d'ailleurs cette ignorance sur tous les membres de l'équipe, tant il ne semblait jamais remarquer les multitudes de questions qui se confrontaient dans leurs expressions. C'était parfois à se demander s'il s'était vraiment produit quelque chose d'anormal.

      Sauf que, de temps en temps, il s'éclipsait. Ce qui ne différait pas vraiment de son comportement habituel, mais c'était à présent de savoir où il allait qui faisait toute la différence - Burnett ne s'était jamais imaginé qu'un jour, il regretterait de ne pas le voir fréquenter les bars. Puisqu'au début Chiller ne partait jamais là-bas bien longtemps, personne n'avait vraiment aborder le sujet avec lui. Mais quand ses visites se firent plus fréquentes, certains finirent par s'y coller. Lux d'abord, en bonne curieuse qu'elle était, l'avait fait sans qu'on ne le lui demande. Son interlocuteur ayant cependant dévié la conversation de manière immédiate ,elle n'avait obtenu aucune réponse. Vint ensuite Lagune, qui ne réussit à lui soutirer qu'une vague description de cette fameuse Mado, avant qu'il ne se ferme totalement sur le sujet. Bien sûr, en sa qualité d'amie proche de Chiller, elle aurait facilement pu creuser davantage mais, toujours en sa qualité d'amie, préféra en rester là pour le moment. Finalement, Zéphyr iel-même prit les choses en main et joua de sa position pour faire parler le jeune homme. Néanmoins, boss ou pas, les espoirs que les autres membres fondèrent sur iel étaient minces. En effet, son avis étant déjà relativement tranché sur la question, iel n'eut qu'à être assuré.e que tout cela valait le coup, pour qu'iel laisse tomber cette affaire pour le moment. Ca, et d'entendre parler de l'élégante petite collection de tasse de thé en céramique de la vieille femme. Iel fut bientôt plus ou moins suivi.e par les autres Pass'âmes qui, s'ils doutaient régulièrement de la stabilité mentale de leur supérieur.e, ne se questionnaient rarement sur sa capacité à prendre les bonnes décisions. Certains laissaient tout de même le bénéfice du doute à Burnett. Mais les jours passant et le soi-disant "danger" n'arrivant toujours pas, ils rejoignirent peu à peu chacun les rangs de la tranquillité.

      Alors bien sûr, Chiller se fit de plus en plus souvent absent. Cela faisait maintenant un mois qu'il rendait visite à Mado.

      Un matin, il entra dans le salon de la vieille femme par une des bougies que celle-ci laissait à présent toujours allumées.

- Sal... , commença-t-il.

      Mais la pièce était aussi vide que le pan de mur où Mado prévoyait de construire une cheminée. Sans éprouver plus de surprise, il se dirigea vers la cuisine, avant que des bribes de voix fassent leur chemin jusqu'à ses oreilles. Elles provenaient de la porte d'entrée, l'une d'elle était celle de son amie. Ne s'avançant pas davantage, il attendit donc patiemment qu'elle termine sa discussion avec ce qui semblait être un livreur. Quelques instants plus tard elle entra dans le salon, un énorme bouquet de fleurs à la main. Elle sursauta en apercevant le jeune homme, manquant d'amputer quelques pétales à l'ensemble.

Les feux de la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant