Viral attack - Attaque virale

Chapitre 3

And it feels like
Heaven's so far away
Yeah it feels like
The world has grown cold
Now that you've gone away.*

(Gone Away, The Offspring, 1997)

* Et c'est comme si
Le paradis était si loin.
Oui c'est comme si,
Le monde était devenu froid
A présent que tu es partie.

Le lieutenant détective Toddler fit grimper son jeune invité dans la voiture, une puissante Audi parmi les modèles les plus récents, puis vérifia que Jeff était bien attaché, avant de mettre le contact. La radio s'alluma en plein couplet de «All by myself», où Céline Dion chantait sa tristesse en se retrouvant désespérément seule.
- Oups, désolé... Lâcha le flic en changeant nerveusement de fréquence.
- Pas grave. C'est une très belle chanson, malgré tout.
- Oui, je suis aussi de ton avis. Tu as un style de musique préféré pour qu'on fasse la route? Du moins, tant que c'est pas du rap.
- J'ai une préférence pour le rock mais mettez ce que vous voulez, j'écoute à peu prêt tout. Sauf du rap, j'aime pas ça non plus.
La voiture quitta le cimetière pour tourner en direction du sud.
- Et donc, vous m'emmenez où? Continua Jeff.
- Tu sais, déjà tu peux commencer par me tutoyer. Après tout, je suis ton oncle Nick.
- Et on va où, oncle Nick?
- Redsands. C'est là où je travaille, là où j'habite et là où habitaient aussi tes grands parents. C'est une petite ville sur la côte, avec des plages sympas et des gens charmants. En été c'est plein à craquer, mais dès que les beaux jours s'en vont, ça devient presque une ville fantôme. Pour l'instant nous ne sommes qu'en début mai alors c'est plutôt tranquille. Mais c'est aussi ce qui fait son charme, c'est paisible. J'ai déjà récupéré tes affaires à l'orphelinat alors en prenant l'autoroute, on devrait être arrivé pour 18h au plus tard, en comptant une petite pause pour manger et se dégourdir les jambes. En attendant, si tu veux dormir un peu, n'hésite pas. Tu as la tête de quelqu'un de fatigué.
- Merci mais...disons que c'est pas forcément l'idée du siècle.
- Pourquoi ça? Demanda Nick.
- Tu promets que tu ne vas pas te moquer?
- Hey, je suis un policier assermenté et j'ai juré de servir et de protéger les autres au péril de ma vie. Et crois moi, ce ne sont pas que des mots.
- Et bien...en fait...depuis la mort de maman je fais pipi au lit. J'y comprends rien, c'est vraiment trop la honte...
- En effet, dix ans ce n'est plus vraiment un âge pour mouiller son lit.
Nick regretta cette phrase au moment même où il la prononça. Son neveu n'avait pas besoin d'une remarque humiliante en plus du deuil qu'il avait à porter.
- Excuse moi, continua t'il. Je ne voulais pas me montrer vexant, c'est juste que je n'ai pas l'habitude avec les enfants. Je suis célibataire, c'est le métier qui veut ça, et les seules gamins que je côtoie, ce sont les petits fouteurs de bordels, ceux qui tuent l'ennui en faisant des conneries. Du coup je manque un peu de diplomatie avec les jeunes.
- C'est pas grave. Et puis, ce n'est que la vérité. A dix ans on ne pisse plus au lit depuis longtemps.
- Ne t'en fais pas, je pense que tu as juste besoin de changer un peu d'air. Tu verras, tout ça ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir. Et donc si tu veux dormir, ne te gènes pas pour moi.
- Mais...et si jamais je fais pipi en dormant?
- Si ce qui t'embête, c'est la peur de ruiner les sièges, je te rassure tout de suite, cette bagnole n'est pas à moi. Attends, tu ne croyais tout de même pas que mon salaire de flic me permettait d'acheter un bolide pareil ? Ce véhicule a été confisqué par la fourrière le mois dernier. Son numéro de série a été consciencieusement effacé et par conséquent nous avons reçu l'ordre de l'envoyer à la casse. J'ai moi même signé le formulaire pour m'en occuper, mais absolument rien ne me précisait quelle route je devais emprunter pour m'y rendre. Disons juste que j'aurais fait un petit détour par Copper Falls.

-----------------------------------------------------------------------

L'infirmière en chef Maggie Welsh sentait la migraine arriver. Le CDC avait passé un savon au virologue de l'hôpital pour ne pas avoir placé le plongeur dans une chambre stérile, ce qui avait entraîné la contamination d'une aide soignante. Alors le virologue avait répercuté l'onde de choc en engueulant la cadre de santé, qui avait ensuite engueulé les infirmières. Bref, tout le monde se renvoyait la balle et à présent c'était à Maggie que revenait la mission de recadrer les infirmières, les aides soignantes et les brancardiers, qui eux non plus n'y étaient pour rien.
- Bon, on déménage les deux patients de la chambre 24 pour les isoler dans le quartier de confinement. Ordre du CDC dont l'un des médecins va débarquer en hélicoptère en fin de journée. J'insiste bien sur le fait que tout le monde devra porter un masque et une paire de gants doublée, pour limiter au maximum les risques de contamination. Ensuite je veux deux brancardiers pour dégager la route à travers les services. Nous ne devons croiser personne, que ce soit patients ou collègues. C'est bien compris?
- Maggie, on a un problème! Prévint soudain une autre des infirmières après avoir parcouru tout le couloir au pas de course.
- Qu'est ce qu'il se passe?
- Les deux patients de la 24, ils se sont barrés!
- T'es sérieuse là? Bordel de merde, retournez moi tout l'hôpital s'il le faut, mais retrouvez les moi! Ça va chier des marmottes si le CDC apprend ça! Moi je vais foncer au standard pour leur demander de dérouter l'hélico. Ça nous fera gagner quelques minutes.

-------------------------------------------------------------------------------

Se fiant à son plan de vol ainsi qu'aux lumières de la ville, le pilote entama son approche finale.
- Ici Tango Lima Foxtrot, hélicoptère du CDC. Demandons autorisation de nous poser sur votre toit. A vous hôpital de Redsands.
- Négatif, Tango Lima Foxtrot. Je répète, vous n'avez pas l'autorisation. L'accès au toit est réservé à l'hélico des urgences prioritaires et celui ci est en approche. Dirigez vous plutôt au nord-est de notre position, vers l'héliport de la police. Je contacte les forces de l'ordre afin de vous garantir un comité d'accueil qui vous guidera ensuite jusqu'à nous.

-------------------------------------------------------------------------------

Kevin Wheeler, le plongeur que le CDC appellera par la suite le patient zéro, habitait encore chez sa mère. Non pas qu'il appréciait la compagnie de sa génitrice, mais plutôt que ça lui évitait d'avoir à payer des factures.
Martha Wheeler préparait donc son dîner lorsqu'elle fut alertée par le bruit de sa porte d'entrée.
- C'est toi mon grand? Ils t'ont enfin laissé sortir de l'hôpital?
Ne quittant pas des yeux la casserole de lait qu'elle avait placé sur le feu, elle estima que c'était forcément son fils qui rentrait. Après tout, qui d'autre avait les clés de la maison? Par acquis de conscience, elle décida d'en avoir le cœur net et coupa l'arrivée de gaz, découvrant avec joie la silhouette de son fils dans l'encadrement de la porte. Il n'avait pas l'air en forme, mais la maman savait exactement quoi donner à son fils pour le requinquer. Dans un de ses placard elle rangeait une bouteille d'alcool de contrebande produite par un des vendeurs du marché, une liqueur tellement puissante qu'elle servait aussi à déboucher les éviers.
Et soudain ce fut derrière elle, se plaquant durement contre son corps. Une force herculéenne qui l'empêchait totalement de bouger
- Kevin, qu'est ce.....
Elle sentit alors cette odeur suffocante, la faisant tousser à la limite du vomissement. Elle essaya de se retourner mais elle en fut incapable. Puis vint la sensation, comme si des milliers de petites fourmis se glissaient par l'arrière de sa culotte, la chatouillant presque. Mais la sensation changea lorsque ces choses commencèrent à remonter entre ses fesses pour s'introduire en elle. Elle avait beau se crisper au maximum, elle ne pouvait rien faire d'autre que de subir. Les picotements s'amplifiaient en elle, comme si on lui prodiguait un lavement au poil à gratter. Et à présent elle en était convaincue, le monstre qui la pénétrait n'était absolument pas son fils.
- Je vous salue Marie, pleine de Grâce. Le seigneur est....
Ses mots se changèrent soudain en un gargouillis inaudible, tandis que les picotements envahissaient son estomac et ses poumons. Dans une ultime convulsion Madame Wheeler se pencha en avant pour vomir dans l'évier mais rien ne sorti. Et la chose continuait de progresser en elle, atteignant les vertèbres cervicales. «Au secours» fut sa dernière pensée, juste avant le virus n'atteigne son cerveau.

------------------------------------------------------------------

Dans l'Audi, Jeff avait fini par s'endormir et comme prévu, son siège n'avait que moyennement apprécié. Pourtant le gamin dormait toujours, nullement dérangé par l'humidité de son pantalon ni par l'odeur ammoniaquée qui en émanait. Nick fit s'engager la voiture sur la bretelle de sortie. Dans cinq minutes ils seraient arrivés à Redsands.
Le téléphone portable du flic se mit soudain à vibrer et ce dernier décrocha aussitôt en reconnaissant le numéro de son chef, le capitaine Stamper.
- Toddler, s'identifia aussitôt le conducteur.
- Nick, je sais que tu as posé quelques jours mais j'ai besoin de quelqu'un pour une broutille et je n'ai personne sous la main.
- Pas de problème, Boss. Qu'est ce que je peux faire?
- Est ce que tu es revenu de ton enterrement à Copper Falls?
- Je suis à trois minutes du commissariat, répondit le lieutenant.
- Parfait. Alors est ce que tu peux te rendre à l'héliport? Y'a un toubib du CDC, le docteur Taylor, qui va débarquer et la procédure m'impose de lui fournir une escorte. Tout ce que tu as à faire c'est de le conduire à l'hôpital. La suite je m'en occupe.
- Le CDC? S'exclama Nick. On a une contamination?
- Désolé, on a refusé de m'en dire plus.
- Ok, je m'occupe du toubib.
Le conducteur raccrocha alors son téléphone et le posa dans le vide poche. A coté de lui, Jeff venait de se réveiller et, s'étant rendu compte de son état, luttait de toutes ses forces pour ne pas pleurer.