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- Mademoiselle Liue concentrez-vous s'il vous plaît

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- Mademoiselle Liue concentrez-vous s'il vous plaît.

Je retins un hoquet de surprise avant d'acquiescer silencieusement en me remettant à la tâche qui m'avait été attribuée il y a de cela maintenant deux heures.

L'aiguille perfora la fine parois de tissu rouge. Cependant, mes pensées trainassaient toujours, de manière aussi lasse, vers le sablier doré qui prenait la poussière sur la table basse de mon salon. En deux ans de travail au sein de cette entreprise, aujourd'hui fut le premier jour où rentrer à la maison puis partir m'affaler dans les épaisses couvertures de mon lit ne devenait guère une priorité. Je n'étais plus impatiente. J'avais, en réalité, peur d'abandonner si soudainement le monde qui m'entourait. Ma bonne conscience avait beau se voiler la face en ne croyant qu'un grain de sel à cette histoire sortie de nulle part, elle ne pouvait néanmoins pas empêcher ce pressentiment contradictoire de peindre de plus en plus frénétiquement les fragments de ma poitrine. C'était comme un sentiment de certitude, de vérité.

- Bien tout le monde, débuta notre dirigeante en claquant ses mains, vous avez fait du bon travail aujourd'hui, n'oubliez pas que demain c'est le premier décembre et qu'on attaque la mise en place thème festif sur les mannequins de la vitrine. Son regard parcouru l'ensemble des employés qui ne purent que hocher vigoureusement la tête à ses dires, et bien, bonne soirée !

Un léger brouhaha commença à dévorer les quatre coins de la pièce. Certains discutèrent déjà des futurs costumes qu'ils se voyaient, dans un malin plaisir, habiller les devantures du magasin tandis que d'autres s'étiraient dans un bâillement, plaintif que telle ou telle partie de leur corps soit douloureuse.

Moi, j'observais simplement cette foule chétive jongler au travers des luminaires qui s'éteignirent au fur et à mesure que les gens partaient, jusqu'à que je me retrouve seule, à souffler minablement sur mes mains gelées en plein milieu du trottoir.

C'est après me rendre à l'évidence qu'il aurait été favorable de prendre mes gants que j'avais préféré laisser sur le bois de ma commode, que je me mis en marche, droit vers la rue Jamun, où l'édifice de mon appartement s'élevait.

Je fus accueillie chaleureusement par Joy qui me fit rapidement comprendre que sa gamelle était vide. Après lui avoir déversé grossièrement une ration, mon corps s'écrasa contre le dossier du sofa. Dès à présent le silence trônait dans l'intérieur de l'appartement éclairé par les faisceaux de la pleine lune. Mon regard se perdit sur l'horloge murale à ma gauche, proche de l'entrée de la cuisine. Il ne me restait plus que trente minutes avant minuit.

Je souris légèrement amusée à cette pensée qui en éveilla une autre.

Minuit, l'heure où l'utopie dans laquelle était plongée Cendrillon se transforma en dystopie. Un songe dans lequel elle avait couru innocemment vers son rêve d'enfant, jusqu'à que la réalité revienne se prêter au jeu. Le carrosse avait disparu et sa chaussure demeurait perdu dans les allées du château. C'était une merveilleuse épopée. Sans aucun doute l'une de mes favorites.

Et, désormais, c'était à mon conte de fée en herbe de se travestir entièrement en désillusion.

Onze heures cinquante neuf et l'inquiétude s'amplifiait. Joy s'était cachée sous la commode de l'entrée dès que la poussière lunaire du sablier s'était mise à briller de plus en plus. Moi, je demeurais assise en tailleur devant la table basse, le cœur battant la chamade et la tête envahie d'interrogations. Je détenais d'une part le regret de quitter ce monde, j'avais aussi beaucoup d'appréhension sur le futur. Que diront les gens ? Me chercheront-ils ou bien m'oublieront-ils de la même manière dont ils ont balayé le souvenir de mon seul ami ?

Néanmoins, l'autre part d'excitation contrôlait plus habilement mes gestes et envies. Et c'est ainsi que, à la seconde près où le carrions de l'horloge frémit, mes doigts avaient agilement renversé Cromer, à qui les rayons bleutés s'étaient brusquement intensifiés, m'obligeant à fermer les yeux. Toutefois, ce sentiment d'appréhension qui avait commencé à progressivement s'écouler demeurait dorénavant recouvert par les couches d'une peinture aux saveurs de la liberté absolue.

𝐧𝐞𝐯𝐞𝐫𝐥𝐚𝐧𝐝 [seonghwa]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant