Une large table s'étendait devant mes yeux. Diverses casseroles et plats étaient disposés de part et d'autre de cette table en bois. Ils se sont refroidis depuis le temps. Sur mon assiette, rien. Je tenais mes couverts fermement et les manipulais frénétiquement. A l'autre bout de la table, si loin que je l'entendais à peine, un vieil homme chuchotait dans sa grosse barbe. Ses sourcils hérissés s'énervaient et ne cessaient d'accompagner toute la mécanique monstrueuse de son visage qui me coupait l'appétit. Ses yeux fixaient son assiette vide aussi en attendant que quelqu'un fasse le premier geste. Ses yeux étaient noirs, injectés de colère absurde.
Aussi, il y avait encore une personne qui s'ajoutait à cette ambiance terrifiante. C'était une jeune femme, dans la fleur de l'âge. Elle était à table, posée sur le côté, entre moi et le vieillard. Elle aussi avait une assiette vide mais ne semblait point s'en soucier. Elle ne me regardait pas. Peut être qu'elle ne me voyait tout simplement pas. Elle fixait l'homme depuis un certain temps avec un regard incertain chargé d'émotions qui m'étaient hors d'atteinte. Le stress parcourait la jeune femme. Je pouvais voir son pied droit surmonté d'une bottine en cuir s'agiter en dessous de la table. Ses gestes étaient rapides et répétitifs. Ses mains effleuraient les couverts ensuite, cherchaient dans ses cheveux un quelconque cheveu blanc et revenaient sur ses cuisses. Mais son regard restait fixe. Impossible de briser le lien qu'elle s'efforçait de tisser jusqu'au vieillard.
Celui-ci ne semblait rien remarquer, ou il ne s'en préoccupait pas. Il ne voulait sûrement pas s’extirper de ses songes qui le connaissaient si bien.
Des bruits de couverts, des murmures ou des jurons, le bruit d'une bottine sur le parquet, les grincements habituels de la porte entrouverte dans mon dos et les quelques soupires de ma part étaient à l'unisson. Peut être dans un étrange harmonie. Mais le silence, qui était de mèche avec le vieillard, noyait sans pitié cet orchestre dans cette trop grande salle.
La tension était tirée comme un élastique, prêt à éclater. Il ne devait surtout pas éclater. Personne ne savait ce qui arriverait. Peut être était-ce même au delà de notre raison et de notre possible. J'avais peur, si peur. Je n'osais pas bouger de ma chaise. La jeune femme n'esquissait guerre le moindre mouvement brusque face à l'absence de réponse de la part du vieillard. Lui, n'allait sûrement pas émerger de ses souvenirs tant qu'il n'aura pas trouver ce qui le comblera.
Alors on attendait. On attendait que l'un ou l'autre lâche.
Un lente agonie vint alors embrasser mon front.
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Un de Ses Murmures.
Short StoryIci, chaque chapitre est différent. Chaque chapitre à sa propre histoire. C'est le recueil de mes histoires, de mes émotions. Chapitre après chapitre, apprenez à me connaître.🌟