Première Partie

54 4 0
                                    

La Légende de La Plaine des Damnés

Prologue - Les trois voyageurs

 Tout commence dans un monde partagé, ou plutôt déchiré, entre de nombreuses nations et de nombreuses espèces. Les humains, ici comme chez nous, ont pris la supériorité numérique et territoriale, mais ils ont comme toujours la sale habitude de se monter les uns contre les autres, et d'en arriver aux mains et aux bains de sang. Les nations sont leur fait, et sur de vastes étendues de terre se côtoient des républiques, des royaumes, des empires, quelques véritables démocraties, quoi que cette dénomination sera toujours contestable, et des no-man's-land où seul le chaos est roi. Il existe, aux extrémités de ces possessions humaines, des nœuds de frontières indémêlables, qui touchent à des terres habitées de monstres et de créatures plus ou moins civilisés, les plus hostiles massacrant sans pitié toute personne s'aventurant près des frontières balisées de crânes humains sur des piques.

Au milieu d'un de ces nœuds, existe une très large plaine. Elle a été nommée pendant des siècles « Plaine des Damnés », mais ce nom se perd au fur et à mesure que l'oubli gagne les dirigeants et les populations. Seuls les habitants arriérés des derniers bourgs bordant sa forêt de pin utilisent encore ce nom, et ont peur chaque jour de voir une apparition transparaître derrière le rideau d'arbre.

Le nom de cette plaine, et sa légende, ne sont qu'une conséquence de sa position sur les bords de tous les mondes, en faisant le lieu de batailles mémorables et sanglantes, qui ont dérobé leur vie à des millions d'humains et de créatures. On dit que leurs corps pourrissant étaient si nombreux dans cette terre que les derniers à y être morts, ne trouvant pas de place pour y reposer, se sont relevés. Ces damnés hantent la plaine depuis ces temps et répandent le malheur sur chaque parcelle de ce lieu.

Mais en fait, ce qui est surtout vrai aujourd'hui, c'est que ces offrandes de chair ont fini par rendre la terre particulièrement fertile, et le terrain accidenté est parfait pour la construction d'abris solidement ancrés dans ce sol accueillant.

La plaine des damnés est coincée entre, au Sud, d'épaisses forêts de conifères, et au Nord une toundra couronnée d'une montagne enneigée toute l'année. A l'Ouest s'étale sur des lieux une hostilité sableuse et rocailleuse, suffocante, à la chaleur rendue intenable par les volcans qui bouillent sous sa surface craquelée, à l'Est une autre forêt, mystérieuse, impénétrable, une véritable jungle, d'où s'échappent un souffle froid comme la mort et des sons semblables aux râles de milles âmes enchaînées en enfer.


*
*     *


Du Sud, venaient trois voyageurs. Ils avaient traversé toutes les nations du même pas équivalent des marcheurs aguerris, et malgré les mises en garde, se dirigeaient aux confins du monde humain. Cela faisait plusieurs semaines que, traversant la forêt avec difficulté, ils n'avaient pas croisé un seul de leur semblable. Et un beau jour de printemps, il débouchèrent sur la plaine, et son vent tiède les accueillit d'une caresse tendre sur la joue, et ils décidèrent de s'y arrêter. Le camp installé, ils coulèrent une agréable journée de chasse et de cueillette, et se sentirent mieux en cette terre que nulle part ailleurs auparavant.


*
*     *


J'interromps déjà ici mon récit parce que je vois à vos expressions curieuses que vous désirez savoir qui sont vraiment ces trois hommes, quelle est leur relation, d'où ils viennent et ce qui les a poussés à ce voyage. Mais la seule réponse que j'ai est qu'ils étaient bons amis, qu'ils étaient jeunes et pleins d'espoir, et qu'il n'y avait rien d'autre qui comptait pour eux à cet instant.

Vous souhaitez sans doute que je vous dise leurs noms, mais eux-mêmes ne les donnaient à personne. Je pourrais alors les décrire, vous dire que le premier était un véritable clown et un énergique meneur, qu'il avait le visage rond et blagueur d'un gamin content de ses conneries, les cheveux bruns et plein d'épis comme s'il avait plus souvent la tête ailleurs que sur les épaules. Par pure prétention, il se faisait appeler le mage par ceux qui ne le connaissaient pas. Le second était un lunatique, un réservé, bon public des âneries des deux autres, la plupart du temps inexpressif et perdu dans ses pensées. Il avait quelque chose de noble et de lointain dans ses longs yeux noirs, égaux à deux fentes comme deux meurtrières horizontales. On l'appelait le rêveur. Le dernier, au premier abord, avait l'air du bon gars du groupe, souvent un sourire poli et engageant aux lèvres, ses sourcils aux bouts relevés comme deux vagues lui donnant un air comique. Mais en y réfléchissant bien, il était le plus inquiétant. Il avait de petits yeux verts fouineurs et pénétrants, une coupe en brosse stricte et carrée, et était surnommé le guerrier.

Enfin, entre ces trois personnages très différents s'était installé un équilibre sain et solide, qui les empêchait de s'adonner à leurs pires penchants, comme ils purent le faire par la suite.  




RELIQUES - Dream SMP AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant