IV - Discussion entre introvertis

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Il s'était endormi. Le chant des grillons l'avait bercé, mais désormais ils s'étaient presque tous tus. Ce n'étaient pas eux qui l'avaient réveillé. Il entendait la brise siffler tout doucement dans les longs brins d'herbe qui l'entouraient. Elle ne l'aurait pas réveillé non plus. Il entrouvrit une paupière, mais il semblait faire aussi noir dehors qu'en dessous. Il y avait un bruit étouffé pourtant.

Tout en ouvrant l'autre œil à une lenteur incroyable, Teo apprécia à quel point le matelas de graminées dans lequel il s'était couché était confortable. Il l'entourait comme un hamac, et il s'y était lové sur le côté, les jambes à demi repliées, les mains sous la joue, le nez près des plantes odorantes comme du foin. Et les herbes étaient douces avec lui, et la faune ne l'avait pas dérangé non plus, il ne sentait aucune patte d'insecte s'aventurer sur sa peau. Les températures étouffantes de la journée s'étaient retirées, l'air était rafraîchissant. La terre avait gardé une chaleur enveloppante, et Teo avait l'impression d'être tenu dans le creux d'un bras aimant. Il y avait un bruit étouffé pourtant, il n'était pas seul.

Il distingua le clapotis de l'eau, alors qu'il commençait à réanimer ses membres confortablement engourdis, il vit le ciel brillant d'étoiles et de filaments de lumières, et même la lune, toute ronde, toute petite, toute au loin, d'un profond bleu lagon ce soir-là, illuminée comme un lac au fond duquel aurait brillé une lampe magique. Il n'y avait plus de bruit, mais il était bien réveillé maintenant.

Il fit l'effort surhumain de se redresser sur son séant, de plisser les yeux devant l'ombre des fourrés qui l'entouraient. Les formes se dessinaient sans contours, tâches floues sur fond flou. Il pouvait seulement repérer le camp, son feu encore allumé, tâche orangée au milieu de la plaine indiscernable. Il ne devait pas être si tard que ça.

Du camp, ses yeux dérivèrent, explorèrent l'inconnu. Il y avait bien une ombre, là-bas, au bord de la rivière. Sans doute un des trois voyageurs. Il se leva. Il s'approcha tranquillement, arriva à quelques mètres de l'homme, dans son dos :

« Hey. »

L'ombre accroupie sur ses talons se retourna en sursautant et le fixa tout en cherchant à retrouver un semblant d'équilibre à l'aide de ses mains.

« Teo !

- Hé-

- Putain, tu m'as fait peur !

- Désolé, je pensais que tu m'entendrais arriver. »

Le guerrier le regarda encore un instant avec de gros yeux, avant de les poser à nouveau sur des arbres indistincts de l'autre côté de la rive.

« J'aurais dû. Je relâche mes gardes, ces jours-ci... »

Ne sachant pas quoi répondre, gêné par cette petite maladresse, Teo hésitait à simplement lui dire bonsoir, et repartir au camp. À juste aller se coucher.

« Tu peux t'asseoir si tu veux, » lui indiqua gentiment le guerrier, qui avait à nouveau tourné sa tête vers lui. Teo pensait l'avoir contrarié en le surprenant ainsi, mais c'était bien un visage amical qu'il discernait dans les ténèbres. Il accepta la proposition. Il fit l'effort de descendre jusqu'à terre, replia ses genoux contre lui, les entourant de ses coudes ouverts, les bras pendants, une main maintenant un poignet. Le guerrier finit par s'asseoir lui aussi, en tailleur. Comme s'il avait longuement débattu intérieurement avant de s'autoriser à s'installer réellement. Il n'avait pas quitté l'autre rive des yeux.

« Qu'est-ce que tu fais ? lui demanda Teo avec curiosité.

- Je rêve de lard à la poêle. »

Il avait un sourire gourmand dans la voix.

« Moi aussi je me ferais bien du cochon pour changer du lapin. Si seulement y'en avait.

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