VII - La brioche

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Cela faisait un an maintenant qu'Alexia et Quinty étaient arrivés. Ils le savaient parce que Quinty avait été le premier à tenir un compte des jours et des mois, et même si, d'après Alexia, il avait offert de partager son calendrier, personne ne se donnait jamais la peine de le consulter. Les trois voyageurs comptaient simplement le nombre d'hivers qu'ils avaient vus passer, il y en avait eu trois, et de la même manière Teo savait que cela faisait entre un et deux ans qu'il était là. Les jours précis ne leur importaient pas, pour l'agriculture ils se référaient plutôt au temps et aux lunes.

Il n'empêchait que Quinty faisait, sans que personne n'ait jamais évoqué le besoin d'un calendrier, une certaine fixette sur les dates, on pourrait même dire qu'il avait une obsession. Plusieurs jours, même semaines avant l'anniversaire de leur arrivée, il en avait déjà parlé à Teo et Ivy par l'intermédiaire de sa sœur, et son attitude volontaire et éveillée contrastait suffisamment avec son habituelle placidité pour pouvoir dire qu'il était surexcité.

Alexia en avait déjà par-dessus la tête, mais Ivy avait envie de faire une surprise au jeune homme qui l'aidait toujours pour tout sans jamais rechigner. Elle avait passé le message aux autres, et une cueillette secrète de baies fut menée par le rêveur, un emprunt dans les réserves de fruits secs et de farine de la maison commune fut accompli par le mage, le guerrier tâta de la petite baratte pendant des nuits durant pour faire suffisamment de beurre, et Teo donna de lui pour voler du miel à des abeilles et prendre des œufs à des cailles qui ne s'étaient pas laissées faire. Chacun avait promis de préparer une spécialité sucrée qu'il connaissait de ses voyages, de son pays ou de son enfance. Ils se rassemblèrent et se relayèrent la nuit pour préparer les fruits, faire les pâtes, façonner les biscuits. Les nattes en roseau qu'avait tressées le rêveur se garnissaient. Le dernier soir, Ivy se délecta à l'avance de chaque gâteau qu'elle sortait précautionneusement du four, et qu'elle replaçait ensuite sur ces plateaux improvisés. Sur sa pelle de boulanger passaient des biscuits dentelés rectangulaires, des beignets aux haricots rouges, des tartelettes garnies de gelée de fruits, des boulettes de sucre fourrées de pâte de noix, des cubes ambrés à la sève, et tout brillait sous la chaleur du feu, et exhalait une douceur qui faisait gonfler la langue et se serrer d'envie l'estomac. Elle était particulièrement fière de son propre pain brioché, dense et agrémenté de raisins secs, qu'elle couperait au dernier moment en parts géométriques qui se tiendraient parfaitement si elle avait réussi la cuisson.

Quinty n'avait rien remarqué, mis à part que leurs cernes s'allongeaient. Le mage avait glissé à Alexia quelques plantes à lui faire en infusion le soir.

Il se réveilla enfin le matin tant attendu pour découvrir devant la maisonnette qu'il partageait avec sa sœur qu'un préau en bois était était sorti de terre pendant son sommeil. Sous les bottes de chaume étalées sur la charpente, s'alignaient des tables qui semblaient recouvertes de merveilles. Il les distinguait à peine derrière tous ses amis qui s'étaient rassemblés là pour leur souhaiter un joyeux anniversaire d'arrivée.

Il n'en croyait pas ses yeux. Il se tourna vers Alexia, et elle n'avait pas l'air surprise le moins du monde. « Tu savais ? », lui demanda-t-il avec un signe.

« Bien sûr que je savais. Profite parce que je serais pas gentille avec toi tous les jours comme aujourd'hui. » ajouta-t-elle avec sa malice de grande sœur.

Il n'en avait jamais attendu ni même espéré autant. Il savait qu'il avait exaspéré chacun d'entre eux avec ce jour, qu'il avait usé la corde de leur patience et pourtant ils étaient là. Et il sentit des mains saisir ses bras, et des mains le pousser dans le dos, et il ne comprenait plus très bien comment il pouvait se trouver à un endroit aussi extraordinaire, baigné dans la fraîcheur d'un parfait matin de printemps, dans un soleil aux rayons anisés, le nez au-dessus d'un buffet de pâtisseries dont la douceur le faisait fondre, et rien qu'en les respirant leurs arômes venaient saupoudrer son palais et l'arrière de sa langue, et il en avait l'eau à la bouche. A côté de lui, Ivy l'incitait de sa voix douce à en prendre un, celui qu'il voudrait, tandis que les autres désignaient les leurs et se vantaient de les avoir le mieux réussis.

RELIQUES - Dream SMP AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant