VI - La farine

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Ivy avait les avant-bras crampés, les épaules qui la tiraillaient. Sa main gauche, qui agrippait fermement la poignée de bois, était blanche aux jointures et rouge dans ses plis. L'autre tenait un coin du récipient de pierre dans laquelle tournait la meule à main. Quinty se tenait à côté, toujours aussi maladroitement, s'occupait de remettre du blé au centre de la meule pour ne pas qu'Ivy ait à s'arrêter à chaque fois pour le faire. De temps en temps, elle interrompait son mouvement de bras circulaire, Quinty soulevait la meule et son pivot pour chasser le son et d'autres impuretés qui n'étaient pas sortis par le bec verseur sur le côté du récipient, et Ivy vérifiait que le sac qu'ils remplissaient était toujours bien placé sous l'arrivée de la farine. Puis Ivy remettait la meule à sa place, Quinty versait une première portion de blé au centre de la meule, et il aidait Ivy à la faire repartir d'une poussée puissante qui la faisait glisser sur les grains et les écrasaient.

Quand le sac fut rempli, ils s'arrêtèrent. Ivy étira son bras crispé, inspira profondément. Après les crissements des grains contre la pierre, le silence semblait bourdonner, assourdissant. Mais c'était surtout le sang qui battait dans ses oreilles. Au bout de quelques secondes, elle entendit à nouveau Alexia qui pétrissait dans la pièce d'à côté. Quinty y porta le sac, et elle entendit l'eau du robinet de pierre couler alors qu'il se lavait les mains. La pompe automatique qui faisait couler le robinet tout seul quand on tournait une poignée était encore une ingénieuse invention de Teo. Elle passa sa tête dans l'embrasure de la porte et observa attentivement le travail de l'apprentie boulangère.

« Tu t'en sors ?

-Oui oui, très bien !

- Travaille pas trop la pâte non plus, sinon elle ne montera pas.

- Je sais, Ivy, tu m'as déjà dit ça dix fois ! »

Alexia commença à sortir de gros pâtons de la large masse qu'elle avait triturée, et son frère l'imita.

« Tu nous aides ? »

Ivy ne répondit pas tout de suite. Elle était très tentée de mettre la main à la pâte, mais aussi de savoir où en étaient les travaux qu'elle avait attendus depuis des mois.

« Non, désolée, je vais plutôt aller voir où en est Teo. »

Quinty fit un signe d'une de ses mains couvertes de farine et de pâte, qui fit pouffer Alexia de rire. Ivy ne l'avait pas compris, mais au regard en coin qu'ils lui lançaient, elle su qu'ils se moquaient gentiment d'elle et ne lui expliqueraient pas.

Sur le rivage Nord du lac, à l'embouchure d'un bras de la rivière, et à cinq minutes de leur petit village s'élevait une bâtisse qui était restée jusqu'à récemment vide et inutilisée. Elle avait la taille d'une petite maison, carrée, et une charpente assez haute quand on considérait qu'elle n'avait qu'un rez-de-chaussée. Son toit était en chaume, ses murs extérieurs briques d'argile, comme leurs dernières constructions. À quelques mètres de la porte, une grande roue de bois, dont la largeur était garnie de planchettes inclinées, était couchée abandonnée dans l'herbe. C'était la roue du moulin à eau. Elle était censée trouver sa place dans l'étroit canal qui avait été creusé sur la rive devant la maisonnette. Ivy admira la mise en place des vannes et du mécanisme qui devait permettre de faire entrer l'eau dans le canal, pour faire tourner la roue, grâce à un levier depuis l'intérieur moulin. Après avoir aussi inspecté la roue, elle franchit finalement le seuil de la porte.

Elle fut accueillie par une odeur de sciure piquante, celle du bois encore jeune, encore un peu vert, encore humide de sève. La lumière était diffuse à travers les petites fenêtres, les rayons qui se frayaient un chemin étaient pailletés de poussière. De l'ombre créée par une grande et large auge de pierre ronde, venaient des coups réguliers et assourdis. Elle contourna la pierre taillée et creusée de sillons, où était censée trôner bientôt la meule, et aperçut Teo penché sur un large tronc écorcé, ciseau à bois et maillet à la main. Il était absorbé par son travail, et ne se rendit compte de sa présence que lorsqu'elle lui tapota l'épaule.

RELIQUES - Dream SMP AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant