Une branche qui craque. Ce n'était pas une grosse branche, ni très sèche, ou très creuse. Le bruit avait été minime, plutôt un crissement des fibres du bois que le claquement typique qui aurait fait fuir leur proie.
Le guerrier et le rêveur cherchèrent et croisèrent le regard l'un de l'autre, le guerrier pour demander le silence total, le rêveur pour s'excuser avec un sourire de sa maladresse. Une dizaine de mètres plus loin, le bafou n'avait pas bougé. Il remuait toujours le sol à la recherche de vers de terre et de graines. D'un geste de la main, le guerrier demanda au rêveur de rester où il était. Puis, avec une lenteur extrême, il fit quelques pas sur les îlots de mousse perdus dans la mer de pommes et d'aiguilles de pin qui tapissaient le sol de leurs motifs fauves.
Les contours du bafou se faisaient plus précis entre les troncs sombres et les fourrés gris, ses petits mouvements de tête, ses petites oreilles rondes qui pivotaient comme celles d'un chat, sa queue rayée et touffue qui ondulait dans l'air. Il releva soudain son museau de marmotte, renifla dans le vent, se frotta les moustaches d'une de ses petite pattes hérissées de poils bruns. Le guerrier se figea. Une brise tiède, pleine de l'odeur de l'humus, lui passait sur le visage. Il n'était pas dans le vent. Le bafou n'avait pas pu le sentir. Et effectivement, il revint à ses activités de fouisseur.
Avec beaucoup de précautions, le guerrier tira sa sarbacane de la sangle dans son dos. Elle glissa avec facilité, l'écorce brillante du bambou ne produisait aucun frottement contre le cuir qui l'entourait. De son autre main, le guerrier souleva le rabat d'une pochette à son côté et en sortit une fine fléchette en bois fichée dans une boule de terre cuite. Le bout de l'aiguille de bois était brûlé pour le durcir, et luisait d'une huile empoisonnée.
Le guerrier arma sa sarbacane en y plaçant la fléchette, dont la bille d'argile épousait parfaitement l'intérieur du tube de bambou. Il se mit en position pour viser. La fléchette partit avec une détonation moite, qui tinta longuement dans le tube, mais l'animal n'eut pas le temps ne serait-ce que de bouger un poil. L'aiguille était déjà plantée dans son cou, il n'avait pas encore ressenti son picotement que le poison l'avait atteint et qu'il s'effondrait dans le fourré qu'il avait fouillé.
Sans se départir de son adroite discrétion, le guerrier s'approcha de la proie à grandes enjambées. Il s'accroupit devant le corps raide, passa sa main dans la douce fourrure. Les yeux du bafou étaient encore ouverts, fixes comme deux billes de verre brunes. Le guerrier ferma les paupières noires du pouce et de l'index, et souffla tout bas : « Je te demande pardon. »
Le rêveur était arrivé juste derrière lui. Il prit le bafou que lui tendait le guerrier, lui enleva sa fléchette qu'il glissa dans une petite pochette à rabat presque identique à celle qui pendait sur la hanche du guerrier, et fourra l'animal dans sa besace de jute, où il rejoint un lapin. Le guerrier s'était tourné vers lui, et attendait qu'il lui indique une nouvelle direction. Le rêveur était souvent le meilleur pour repérer des empreintes.
Ils avancèrent doucement vers l'orée de la forêt. Ils ne l'apercevaient pas encore, mais le rêveur aurait juré qu'un autre bafou n'était pas loin. Il pointa son doigt sur une forme mouvante en contre-jour, qui passa aussitôt derrière un if imposant et opaque. L'animal avait l'air gros. Un peu trop gros. Le guerrier prit de suite sa sarbacane. On n'était jamais trop prudent, même si aucune trace n'avait révélé la présence de prédateurs ici, ça pouvait être un lynx ou un bixie, ou même un monstre inconnu et plus dangereux encore.
Ils entendirent, étouffé par les bruits de la forêt, des pas froisser de l'herbe et des ronces. Le rêveur tapota vivement l'épaule du guerrier, et lui indiqua un ruban de terre humide. Des empreintes de bafou qui partaient dans la direction contraire. Très fraîches. Le rongeur venait tout juste de fuir.
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RELIQUES - Dream SMP AU
FanfictionLa légende raconte que trois voyageurs s'établirent sur le bord du monde connu, et fondèrent un pays pacifique avec d'autres humains et créatures qui les rejoignirent, un pays où il faisait bon vivre. Mais la légende se trompe. Quand fuyards, meurt...