Une bouffée d'oxygène

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Le froid

S'insinuant dans chaque parcelle de ma peau, mon corps frêle et pâle, fatigué de trembler, me laisse à mon triste sort glacé.
Ma respiration entrecoupée de faibles spasmes ne permettant même plus d'évacuer le liquide qui m'emplit les poumons, ma bouche haletante se contentant de le laisser s'écouler à la commissure de mes lèvres, à sa guise.

J'ai si froid.

Et finalement, j'ai peut-être hâte d'être aux portes de l'enfer, de me faire dévorer par des flammes.
Ironie du sort quand on sait que c'est toi, c'est ta faute, celles de tes flammes si j'en suis là.

C'est à cause de toi si je n'ai plus mes ailes

J'ai dû rester avec All Might et quelques autres pour aider à distance ceux sur le champ de bataille, mais évidemment les sous-effectifs ne permettaient pas une sécurité supplémentaire et nous avons tous été impuissants quand ils ont débarqué pour nous abatte sans ménagement.

Le choc, la colère, la tristesse, le regret. Celui d'avoir été inutile, de ne pas avoir pu réagir, ni prévenir, ni aider, celui de partir en abandonnant tout le monde, et celui d'avoir vécu une vie que je n'avais pas choisie.
Mais surtout, le regret de ton absence à mes côtés. De ne pas avoir pu admirer tes yeux une dernière fois, de te trahir de nouveau en m'en allant sans te faire mes adieux.

Parce que j'aimerais tant ressentir encore une fois le goût de tes lèvres. L'odeur de ta peau et la texture si particulière des marques indélébiles qui en ornent l'entièreté.
Ressentir une dernière fois mes ailes tressaillir quand tu passes tes doigts brûlant entre mes plumes pourpres. Sentir ton souffle erratique se mêler au mien et t'embrasser jusqu'à ne plus avoir d'oxygène.
Respirer, ne serait-ce que l'espace d'un instant, ton odeur, et t'enlacer de toutes mes forces en nichant mes traits tordus par le plaisir dans ton cou.
Serrer tes mèches noir ébène sous la pression du flot de sensation et les tirer vers moi pour retrouver tes lèvres tant désirées.
Écouter ta voix profonde et sensuelle me susurrer des mots qui font rougir mes joues rien qu'à y penser et user de la mienne pour en gémir des tout aussi obscène, quémandant plus.

Plus de toi, plus de tout.

J'aimerais tant, me noyer à nouveau dans l'océan turquoise de tes yeux.
Ne jamais remonter à la surface de tes iris insensibles et m'enfoncer toujours plus profondément dans ton regard pour en déceler tes plus sombres secrets. Le silence paisible d'une cigarette échangée sur les draps défaits, nos coeurs battant encore un peu vite dans nos poitrines.

Qui es-tu ?

À cette question, tu n'étais déjà plus celui que j'avais connu, et le choc violent de la révélation m'eut vidé de tout espoir de revivre nos moments d'échange langoureux et passionné à l'ombre de la nuit, caché, secret, loin des yeux et des oreilles curieux de chacun.

C'est ce jour où tu m'as pris ma liberté, mes ailes, que j'ai compris que plus jamais je ne m'allongerais à tes côtés pour partager une nuit que je pensais toujours être la dernière. Le goût amer de la trahison m'a empli la bouche lorsque tu m'as révélé ton plus grand secret : ton identité.

Et j'ai tellement été envahis par un flot discontinu de questions, et parce que la situation me paraissait désespérée. J'allais mourir de tes mains, consumé par ces flammes que je pensais naïvement avoir domptées. Tellement focalisé sur moi, moi Hawks: le héros, que je n'ai pas vu la lueur si triste et trahis de tes yeux. J'en ai même oublié ta réaction, usant de la feinte et du sarcasme pour cacher la blessure que je venais d'agrandir dans ce coeur déjà maltraité par la vie.
Je venais de tuer ton ami, et moi-même, je m'en voulais pour ce que je venais de commettre. L'urgence de la situation l'avait exigé, il n'y avait pas d'autre solution, et savoir que de jeunes héros plein d'espoir, que le numéro un et tous les autres comptaient sur moi; je n'avais pas réfléchi.

Qui es-tu ?

Toi, tu le savais, qui j'étais, mon nom, mon prénom et mon histoire. Tandis que moi, je ne savais rien de toi. Quand bien même je pouvais connaître et manier ton corps sur le bout des doigts, écouter tes déclarations à demi chuchotées de manière implicite dans la pénombre. Sentir tes mains se réchauffer dans mon dos et ton souffle se couper soudainement quand je t'avais répondu, ce jour-là, j'ai admiré le courage dont tu avais fait preuve en me demandant si la lune était belle.

Je pourrais mourir.

Un dernier sourire aux lèvres, je me laisse finalement envahir par la sensation de froid alors même que je sens mon coeur me réchauffer de nos souvenirs, et je ne peux que te dire:

Merci

Merci, pour tout ce que tu m'as offert, toutes ces sensations que tu m'as fait ressentir, et même si je n'en suis pas sorti indemne, tu as réussi à me faire voir que la vie pouvait être belle.
Qu'un foyer n'était pas un lieu, mais une personne et que les différences pouvaient être mises à part le temps de quelques instants.
Comme une bouffée d'oxygène, alors que j'ai eu la tête plongée dans de l'eau pourpre pendant des années, j'ai cru qu'il était normal de vivre sans respirer.

Toi et moi, ensemble, on a réussi à atteindre la surface. Et même si nous avons tous deux replongés dans les ténèbres une fois séparés. Ces moments auront été les plus beaux et je garderais nos souvenirs en mémoire pour l'éternité.

Recueil OS Où les histoires vivent. Découvrez maintenant