Recueil OS

Le pacte

L'air était frais en cette soirée d'hiver. La brise glaciale me caressait les ailes et je tremblais légèrement malgré mon manteau fourré. Mais le couché de soleil était tellement sublime vu d'en haut que j'aurais pu supporter n'importe quoi pour l'admirer. Voler dans le ciel étant l'essence même de ma nature, je ne pourrais jamais m'en lasser. Après tout, un oiseau qui ne vole pas est un oiseau mort.

Pourtant cette petite sortie ne sera pas sans conséquences, je le savais. J'allais certainement devoir répondre à un sévère interrogatoire de la part de Skeptic et un bel avertissement de leur part quant aux heures auxquelles je rentrais.

En fin de compte que ce soit la Commission héroïque ou le Front de Libération ce n'était pas si différent. Dans les deux cas je n'étais qu'un pion et je n'étais pas libre de mes choix. Je faisais seulement ce qu'on me disais de faire. Personne ne se souciait un instant de mon état mental ou physique. J'étais utilisé pour le bien de chaque camp et je me noyais dans un entre deux. Ne laissant jamais mes émotions prendre le dessus. J'étais constamment en train de porter un masque et cela me pesais.

D'ailleurs j'avais cru craquer il y a quelques mois, peu après que la Commission m'ait demandé de jouer les espions dans la Ligue. J'avais déjà rencontré Dabi et notre dernière discussion concernant le combat entre Endeavor et le Nomu ne c'était pas très bien fini. Cependant comme il me l'avait promis il m'avait recontacté. J'étais au fond du gouffre et je pense qu'il l'avait sentis car au moment où je lâchai un sanglot étouffé dans le combiné, sa seule réaction fut de me demander où j'étais et de l'attendre bien sagement.

Je lui avais donné mon adresse sans tiquer, sans même penser qu'il viendrait. J'étais alors chancelant sur le bord de mon balcon. Le vide semblait m'appeler et j'aurais aimé m'y laisser tomber. C'est certainement ce qui serait arrivé si une main ne m'avait pas retenu par l'épaule au dernier moment. J'avais tourné mon visage vers le sien et à partir du moment où mes iris dorées avaient croisé ses yeux bleus, ma tentation du vide avait disparu, remplacée par une douce chaleur et une impression de sécurité. Pour la première fois de ma vie quelqu'un s'était soucié de moi.

Après ça tout était allé très vite. Il avait posé ses lèvres sur les miennes et m'avait entraîné dans ma chambre. On avait passé la nuit à se prouver qu'on avait besoin l'un de l'autre et ce n'est qu'au petit matin que j'avais songé à mes actes. Ceux accomplis comme ceux seulement pensés d'ailleurs.

Depuis cette fameuse soirée nous avions donc conclu une sorte de pacte. Plan cul régulier ou sex friend, peu importe le nom de notre relation ça nous convenait à tous les deux et c'est tout ce qui importait.

Je savais qu'il m'attendait ce soir, et je savais aussi qu'il ne serait pas content du tout de mon retard injustifié. C'est donc avec une certaine appréhension que j'atterris dans la cour du grand manoir qui servait de base au vilain. Comme je m'y attendais, une fois rentré dans le bâtiment, Skeptic m'assomma de reproches que je pris plus ou moins à la rigolade. Prétextant que j'étais parti voir une amante et qu'il devrait se méfier lorsqu'il vérifierait les enregistrements des petits micros positionnés sur mes ailes.

Je me dirigeai vers les quartiers de la Ligue, le laissant en plan. Il était mort de gêne et ça me faisait rire intérieurement. Depuis qu'il avait découvert pour Dabi et moi, de cette manière d'ailleurs, on s'amusait à le taquiner à ce propos. Même si c'était quand même surtout moi, Dabi n'étant pas un très grand bavard.

Une fois arrivé devant sa chambre, je m'arrêtai pour souffler un peu. J'avais toujours cette petite boule d'appréhension en moi. La peur qu'il me dise non et qu'il veuille tout arrêter. Même si je savais que ça ne risquait pas d'arriver, Dabi restait un homme dangereux et imprévisible, et j'avais toujours du mal à savoir ce qu'il pensait clairement. Je lâchai un soupir, si j'étais ici c'était avant tout pour me détendre.