Chapitre 9

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De Nabil:

"Tu sais pourquoi..."

La brune souffla et déglutit difficilement. Donc il avait bien volontairement omis ce pan de sa vie. 


A Nabil:

"Nan, je ne sais pas pourquoi."


Josette venait de rentrer de sa chambre et ronronnait au pied du lit, sa fourrure blanche, teintée d'orangé grâce au couché de soleil, était toute ébouriffée. Ses longues moustaches lui faisaient un visage espiègle pouvant facilement rappeler le chat du Cheschire tout droit sorti de son Disney préféré. Mais tout ça, Agathe n'y prêtait aucune attention, bien trop absorbée par sa conversation.


De Nabil:

"Vraiment Agathe, c'était trop compliqué. Si tu t'es renseignée tu sais ce qui s'est passé, on va pas faire genre je pouvais te parler de ça."


Elle se releva pour appuyer son dos contre son mur. Des mèches brunes ondulées s'échappaient de son chignon lâche et se perdaient devant ses yeux clairs. Les insinuations de son ancien amant commençaient à lui taper sur le système et à la rendre encore plus confuse qu'elle ne l'était.


A Nabil:

"Je comprends rien Nabil! Sois clair, qu'est-ce qu'il s'est passé? Pourquoi tu pouvais pas m'en parler?"


C'était son propre souffle qu'elle entendait dans le silence de sa chambre. Il était saccadé et précipité. Elle allait rajouter quelque chose quand elle reçut une réponse.


De Nabil:

"Tu sais vraiment pas de quoi je parle?"


Elle roula des yeux et rétorqua aussi vite que ses doigts lui autorisaient.


A Nabil:

"Tu me connais, je jouerais pas à ça."


Dans le salon, elle entendait Maëva passer l'aspirateur alors qu'elle avait lancé une playlist à fond. Le va-et-vient de l'embout sur le vieux parquet résonnait dans tout l'appartement. Rien que ça la rendait folle, elle était à fleur de peau. Ce qui l'énervait encore plus, pourquoi être chamboulée ainsi?

Ses genoux pliés contre son buste, elle fixait l'écran de son portable dans l'attente d'une réponse. La petite bulle en bas de l'interface indiquait que le brun était en train de taper, mais elle savait qu'il hésitait. Le connaissant, ça prenait beaucoup trop de temps. Il ne lui dirait aucun détail par message, juste les grandes lignes pour lui donner ce qu'elle voulait et qu'elle le laisse tranquille. Mais cela faisait deux minutes et toujours aucun message. Il effaçait et retapait, ou alors il avait déjà tout noté mais il n'osait pas envoyer.

Elle tourna la tête pour souffler, perdre ses pupilles bleues sur les toits de la capitale. Le soleil se couchait au loin, plongeant la ville dans une mer ambrée aux reflets dorés sur les armatures métalliques des taules des toits. Elle pouvait voir toutes les fenêtres et velux ouverts dans l'espoir de laisser passer un filet d'air plus tiède. Dans d'autres circonstances ça l'aurait apaisé et empli d'un sentiment de plénitude. Mais là, elle était perdue et sans savoir pourquoi elle en voulait aussi au jeune homme d'en face qui venait de se hisser sur son toit avec une chaise pliante de camping, s'asseyant face au soleil, une cigarette au bout des lèvres et les mains pendantes. Sa vie semblait calme et elle, elle avait l'impression de découvrir une facette de son passé qui n'est même pas réellement le sien. Mais ça en faisait partie, quelque part.

Le jeune homme venait d'amener ses doigts à sa cigarette pour se débarrasser de la cendre en trop quand le portable d'Agathe vibra enfin.


De Nabil:

"On peut se voir? On se retrouve au même endroit que d'habitude."


Elle phasait sur la phrase. Les secondes passaient et peut-être qu'elle n'était plus si sure de vouloir savoir. Mais elle était bien trop curieuse, si elle n'y allait pas, la question ne la lâcherait pas et elle redemanderait des comptes dans quelques jours. Alors elle soupira et envoya un simple "ok" avant de jeter son portable sur l'oreiller à côté d'elle et de se lever, le regard toujours fixé sur le jeune homme du toit. Il avait fini sa cigarette apparemment, et maintenant il était simplement assis, la tête jetée en arrière, attrapant chaque vague dorée qui définissaient les mèches qui collaient à ses tempes. Ses yeux étaient fermés et son souffle lent. Elle ne l'avait jamais vu se disait-elle. 


De Nabil:

"Dans 30 minutes"


Il aimait toujours autant décider pensait-elle. Rapidement, elle se changea de son pyjama à un accoutrement plus adapté pour sortir et relâcha ses cheveux pour les coiffer rapidement. Elle hésitait à se maquiller mais elle avait peur d'en faire trop: ils ne se revoyaient pas pour faire bonne impression, mais pour s'expliquer ou du moins qu'elle obtienne les réponses qu'elle attendait. Un peu de rouge à lèvre ne fait pas de mal? Elle ne pu hésiter plus longtemps que la porte s'ouvrit en fracas.

-Tu veux que je passe l'aspirateur dans ta chambre ? 

Agathe la fixa alors que Maëva la regardait perplexe, le manche de l'aspirateur dans la main droite alors que la gauche était encore posée sur la poignée de sa porte. 

-Tu sors ?

Agathe hocha de la tête et se tourna pour récupérer son sac posé sur sa chaise de bureau. La blondinette semblait étonnée. 

-Je savais pas! Avec qui?

La brune prit sur elle pour ne pas se figer, farfouillant dans ses affaires pour se garder occupée. Mais sa meilleur amie était pointilleuse et portait attention aux moindre détails. Elle sentait son regard posé sur elle. Un air coupable apparaissait sur son visage: en effet si ses joues rougissantes ne la trahissaient pas, c'est son regard fuyant qui confirmait tout. 

-Agathe...

Elle souffla et fit enfin face à Maëva, la bandoulière de son sac passée sur son épaule gauche. Elle ouvrit la bouche prête à s'expliquer, prête à trouver une excuse qui ne trahirait pas tout.

-Tu sais quand j'ai dit que se taper quelqu'un de son travail était la pire idée, je parlais pas des stages! J'adore Anthony! Franchement t'as pas à essayer de me cacher ça!

Anthony?

Anthony! Maëva était à côté de la plaque mais elle offrait clairement une porte de sortie à la brune. Elle sortit son meilleur jeu d'acteur et lui sourit de toutes ses dents, en feignant le soulagement. 

-Oui c'est ça! Mais bon c'est un peu bizarre et tout, je voulais pas t'en parler alors que ça ira sûrement nulle part...

Pour aller nulle part, ça n'irait vraiment nulle part. Au-delà du manque d'attirance pour le jeune homme de sa part, le fait qu'il soit gay semblait être un frein assez gigantesque. Mais ça, son amie n'avait pas à le savoir. La blonde acquiesça simplement, le sourire aux lèvres. 

-Profite alors! 

Agathe l'embrassa sur la joue et s'empressa de s'échapper, la porte d'entrée déjà ouverte alors qu'elle n'avait même pas enfilé correctement sa paire de converse.  

-Et l'aspi ?

La porte claqua laissant Maëva dans un presque silencieux appartement. 

Sprezzatura // N.O.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant