Il la dévisageait de ses pupilles brunes. Elle ne savait plus quoi faire, Agathe avait perdu ses mots. Il fronçait ses sourcils et cela la déstabilisait encore plus. Elle reteint son souffle et restait figée face à lui. Il avait la bouche légèrement entre-ouverte, visiblement il ne s'attendait pas à tomber sur elle. Les secondes passèrent sans qu'ils ne bougent ou ne disent quoi que ce soit.
C'était Nabil qui débloqua la situation en soupirant et en tendant sa main. Agathe la regardait sans comprendre. Ses prunelles bleues traçaient les lignes de sa main une à une.
-Le.. uhm.. le portable.
Elle remonta son regard et retomba sur celui de Nabil, beaucoup plus fermé que quelques secondes auparavant. Elle déglutit et baissa la tête gênée pour tendre faiblement l'Iphone qu'elle tenait depuis que la sonnette avait retenti.
-Merci.
Dit-il faiblement en la contemplant toujours autant, sans gêne. Elle hocha, n'osant pas le regarder et soupira un au revoir avant de commencer à refermer la porte.
Nabil regardait le bois se rapprocher et il ne savait pas pourquoi, il ne fallait pas qu'elle se ferme, qu'elle claque. Il plaqua la paume de sa main sur la surface lisse.
Agathe arrêta nettement son mouvement et releva la tête perdue.
De son côté, il donna une petite impulsion pour ouvrir un peu plus la porte. Le visage de la jeune femme réapparu. Il ne savait pas pourquoi il avait fait ça mais maintenant il devait dire quelque chose, n'importe quoi. Il était figé.
Elle ouvrit la bouche, elle allait dire quelque chose. Il avait peur de ce qu'il allait entendre, elle était beaucoup trop imprévisible. Alors il parla, il n'avait même pas réfléchi que les mots sortirent de sa bouche.
-Tu deviens quoi?
Elle lâcha la porte et s'appuya sur l'encadrement, froid contre son bras nu, provoquant des frissons discrets sur sa peau. Elle pinça ses lèvres et fronça des sourcils, à son tour.
-On va vraiment faire ça? Jouer à ce petit jeu?
Il soupira doucement.
-Tu parles de quoi?
-De ça! Demander ce qu'on devient, tout ce qui a changé entre temps. C'est pas nous, ce sera jamais comme ça entre nous et tu le sais autant que moi.
Elle était frustrée, il le voyait à la façon dont elle remettait nerveusement l'une de ses mèches brunes derrière son oreille, il le voyait aux rides presque transparentes qui plissaient son front. Elle avait raison dans le fond.
-Je suis sincère.
Son regard perdit sa fougue et s'attrista presque. Elle fixa le sol.
-Je sais Nabil, tu l'as toujours été. Mais ça en dit long, jamais t'aurais eu à être comme ça avec moi. On est des étrangers maintenant.
Nabil pencha la tête en avant comme pour se remettre les idées en place et se redressa aussitôt. Elle était devant lui, plus assurée qu'avant, encore plus franche et assumée. Il n'en était pas étonné, c'était tellement elle.
-Ok...
Souffla-t-il.
-Ok...
Dit-elle comme un écho ayant ricoché au fond des montagnes.
Il hocha simplement la tête et se retourna. Avant même de pouvoir faire un pas le petit bruit de la serrure résonna dans le couloir vide.
Elle ne bougeait pas, la porte pourtant refermée devant elle, mais elle ne bougeait pas. Sa main repassa une de ses mèches folles derrière l'oreille. Sa lèvre inférieure était coincée entre ses dents, la torturant inconsciemment. Son souffle était coupé.
-Bazinga!
Une moue se forma sur le visage d'Agathe qui remercia intérieurement Sheldon de l'avoir sorti de cette espèce de transe irrationnelle.
La tête encore embrumée, elle retourna s'étaler sur son canapé avec aucune envie, juste stagner à cet endroit précis sans penser.
Nabil, lui, se retrouvait dans sa voiture à serrer le volant jusqu'à ce que sa chaire pâlisse. Sa tête était en surchauffe et tout était brouillon. Mais elle avait bien raison, trop de choses avaient changé, ils étaient de réels étrangers l'un pour l'autre maintenant. Il ne voulait peut-être pas se l'avouer mais ça le dépassait, plus qu'il ne le voulait.
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Sprezzatura // N.O.S
FanfictionCe n'était pas son univers et elle ne savait pas ce qu'elle devait y faire. Sûrement que lui aussi était un peu paumé vis-à-vis d'elle. Finalement, ça leur était tombé dessus comme ça, sans qu'ils ne s'y attendent. C'était peut-être ça le plus beau.