Prologue

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Zoro n'avait même pas essayé de lutter.

Quand Nami l'avait attrapé par le bras pour le jeter dans la cellule capitonnée placée dans la cale du navire, il n'avait pas bronché. Alors qu'il aurait aisément pu se dégager de la poigne de la navigatrice. Mais il n'avait pas bougé. Il s'était laissé pousser sans ménagement, et il n'avait rien fait non plus quand elle avait refermé la porte dans un claquement sourd.

Depuis près d'une heure, il n'avait pas levé le petit doigt. L'œil que j'avais fait apparaitre dans sa prison de fortune m'en avait assurée. Il était resté là, inerte, sur le sol froid de la pièce, les yeux perdus dans le vide. Il me paraissait minuscule, tassé sur lui-même, bien loin de l'image de guerrier qu'il renvoyait habituellement, les épaules larges, le regard acéré.

Un coup de pied porté sur la table me fit retrouver mes esprits.

- Ça suffit maintenant! S'écria Sanji. On doit trouver une solution.

- C'est tout vu, s'emporta Nami. Il n'a plus rien à faire ici.

- Tu... tu proposes de le laisser ici? Hoqueta Chopper.

La navigatrice hocha froidement la tête.

- On devrait peut-être discuter avec lui, avança Brook.

- Pour quoi faire? On l'a tous vu, de nos propres yeux!

En fait, je n'étais plus vraiment sûre de ce que j'avais vu.

Il pleuvait ce jour-là. Des cordes, en fait. Nous avions fait escale sur l'une des petites îles d'un gigantesque archipel, réputé pour ses fruits exotiques et ses fêtes extravagantes. Nous avions tous eu bien besoin d'un repos bien mérité. Luffy et Zoro avaient débarqué les premiers pour accourir dans les boutiques scintillantes du centre ville, nous laissant marcher loin derrière eux, abrités par nos parapluies, tandis qu'ils gambadaient comme des enfants. C'est là qu'une sorte de vortex violacé était apparût près d'eux. Quelque chose d'inexplicable s'était alors produit. Tandis que nous avions commencé à accourir, Zoro avait dégainé l'un de ses sabres et, sans ménagement, l'avait planté dans le bras de son capitaine, avant de le pousser dans le vortex. Son corps avait été aspiré avant de disparaître purement et simplement, ne nous laissant comme dernière image que son visage choqué. Puis, Zoro s'était effondré, et il n'avait plus rien dit depuis lors.

- Mais..., commença Chopper!

- Stop! Le coupa Nami. Si vous n'êtes pas capables de le faire, je m'en charge.

Et, comme une tornade, elle quitta la cuisine.

Tous la suivirent au pas de course, mais je restai là, les bras ballants, tremblante comme une feuille, de la sueur courant le long de mes joues pâles. Mon cœur savait ce qu'il voulait faire, ce qu'il fallait faire, mais mon corps était aux abonnés absent. Toute force m'avait abandonnée.

Mais, quand je vis, à travers mon œil placé dans la cellule, Nami ouvrir la porte comme une furie pour faire face à notre prisonnier, je me mis en marche. D'abord lentement, je finis par me mettre à cavaler sur le navire, trébuchant à moitié sur les marches, frôlant d'un peu trop près les murs que je connaissais pourtant par cœur. J'étais fébrile.

Dans la cellule, je vis Nami lever un poignard.

- Non! Hurlais-je.

Avant que je ne m'en rende compte, j'avais déjà invoqué une multitude de bras qui retenaient fermement la main de la navigatrice, suspendant son geste à quelques maigres centimètres du visage impassible de Zoro.

Je pénétrai dans la pièce à toute vitesse et, repoussant mes compagnons restés immobiles derrière celle qui avait prit une décision irrévocable, je me positionnai devant Zoro. Pas face à lui pour le menacer, mais face à Nami pour la menacer, elle.

- Je comprends que tu sois en colère, fis-je haletante, mais tu dépasses les bornes.

- Tu as vu comme moi ce qu'il a fait!

- Robin..., murmura Sanji.

Je compris, dans son ton, qu'il n'était certainement pas de mon côté.

- Comment peux-tu le condamner sans même chercher à comprendre? L'accusais-je. Tu sais qu'il n'aurait jamais fait de mal à Luffy. Tu... tu sais ce qu'il a fait pour lui, sur Thriller bark.

Le cuisinier tressaillit. Il pensant être le seul à être au courant et, à vrai dire, je n'avais pas prévu de dévoiler que j'étais dans la confidence. Zoro avait voulu que son secret en reste un, et je m'étais toujours efforcée de respecter sa décision. Mais si cette information pouvait aider à le sauver, j'étais prête à trahir ses cachoteries.

- C'était il y a presque trois ans, rétorqua pourtant Sanji. Bien des choses ont pu changer.

Je n'en revenais pas.

- Est-ce que tu t'entends...?

- Pousse-toi Robin, reprit Nami. Laisse-moi m'en occuper.

- Tes sentiments pour Luffy t'aveuglent, arguais-je.

Ses yeux flamboyèrent. Zoro n'était plus sa première cible. Oups.

- Arrête de raconter des conneries! Comment tu peux trahir ton capitaine comme ça?

- Je ne trahi personne, justement! Je veux comprendre.

- C'est déjà tout vu, me coupa-t-elle à moitié. Si vous l'aimez tant que ça, vous n'avez qu'à partir, tous les trois!

    Tous les trois?

Du coin de l'œil, je notai une petite boule de poils pelotonnée dans les bras inertes du sabreur, ses sabots fermement accrochés à ses épaules, son nez enfoncé dans sa poitrine.

Je refis face à Nami.

- Si c'est ce que tu veux. Tu ne nous reverra plus.

Dans son dos, Ussop hoqueta, une main sur sa bouche ouverte. Comme chacun d'entre nous, il n'en revenait pas. La tournure qu'avait prit cette situation était absurde. Nous aimions tous Luffy, et nous voulions tous découvrir la vérité. Seulement, certains étaient aveuglés par leur chagrin. Quant à moi, j'étais peut-être aveuglée par mon attachement à Zoro, mais j'étais pourtant sûre de prendre la bonne décision. J'avais vu ce que j'avais vu, c'était indéniable, mais je connaissais Zoro. C'était un homme droit, honorable, loyal. Je refusais de croire qu'il ait pu faire ça intentionnellement. Je croyais en lui.

J'attrapai Chopper, qui se retint brièvement au torse de Zoro, avant de se laisser faire et de cacher ses larmes dans mon décolleté. Il avait beau être extrêmement mature, il n'en restait pas moins qu'il n'avait que dix-sept ans. Je le serrai contre moi et, de mon autre main, je relevai Zoro qui se laissa faire docilement.

Je jetai un regard à la ronde, sur Nami et Sanji qui ne regrettaient rien, qui nous fixaient froidement, attendant impatiemment qu'on décampe, sur Franky qui ne bougeait pas, tétanisé dans son coin, incapable de faire un geste, sur Brook qui aurait pleuré s'il avait eu des larmes en stock, sur Ussop qui les laissait couler sur ses joues trempées, et sur Jimbe dont la bouche grande ouverte trahissait son intention d'intervenir, mais il en semblait incapable.

Je me détournai, entraînant mes deux compagnons avec moi.

Pour le capitaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant