L'île était silencieuse à cette heure-ci, plongée dans une nuit noire percée d'étoiles. Au loin, on pouvait entendre les derniers fêtards rejoindre leur lit, les derniers verres qu'on trinque, les derniers éclats de rire. Bientôt, nous serions seuls sur cette plage déserte. Même les bruits du Sunny, clapotant sur la mer, s'éloignèrent peu à peu, nous laissant toujours plus loin derrière.

Je n'avais pas osé me retourner.

- Il nous faut un endroit où passer la nuit, fis-je en remontant Chopper dans mes bras.

Le petit rêne se laissa faire, nouant un peu plus étroitement ses pâtes autour de moi.

- Où est-ce qu'on va aller? Demanda-t-il.

- J'ai repéré des hôtels quand on se dirigeait vers la ville.

Il hocha faiblement la tête puis, profitant encore une seconde du fait qu'on ne bouge pas, il sauta de mes bras pour aller rejoindre Zoro, qui le rattrapa par réflexe. Son regard ne s'était toujours pas éclairci, il semblait agir mécaniquement, comme s'il était sans vie, mais il n'aurait jamais laissé Chopper tomber. Alors, notre compagnon se serra à nouveau contre le sabreur. Ce dernier sembla d'ailleurs retrouver un peu de chaleur sous ce contact, et il me jeta un regard profond, plein de tristesse. Je lui offris mon sourire le plus rassurant, et me détournai pour le guider à travers la petite île. Je ne pouvais pas faire mieux, pour l'instant.

Toujours en silence, on atteignit bientôt les pavés de la ville. Je tâchai de me souvenir de l'itinéraire que nous avions emprunté plus tôt, tous ensembles, et on se retrouva bientôt face à un petit hôtel familial à l'accueil encore illuminé. À travers la fenêtre, j'aperçus un vieil homme derrière le comptoir, plongé dans un journal.

Quand on entra, son regard bienveillant me prit par surprise. En tant que pirate et, à fortiori, criminelle recherchée depuis ma plus tendre enfance, j'avais rarement été accueillie avec une telle gentillesse. Après la journée que nous avions passée, nous n'avions besoin que de ça.

- Bonsoir, fit-il de sa voix grave.

- Bonsoir, est-ce qu'il vous reste des chambres, s'il vous plaît?

- Il m'en reste bien une, annonça-t-il en posant ses yeux chaleureux sur Chopper. Elle sera un peu petite pour vous trois, en revanche.

Je secouai la tête, voyant qu'il était sur le point de s'excuser.

- Ne vous inquiétez pas. C'est parfait.

L'homme hocha la tête et, après nous avoir donné quelques maigres explications, nous confia un trousseau de clefs.

- C'est au deuxième étage. Bonne nuit.

- Merci beaucoup.

Il nous salua d'un petit signe et, alors que nous disparaissions dans les escaliers, reprit son journal en main. On grimpa alors en tâchant d'être le plus silencieux possible. À cette heure-ci, tous les autres occupants des chambres devaient dormir profondément. Alors, arrivés à notre pallier, j'ouvris la porte avec la plus grande délicatesse, dévoilant la petite pièce. Je fus d'ailleurs agréablement surprise. Un grand lit couvert d'un plaid moelleux faisait face à une grande baie vitrée donnant sur un petit balcon agrémenté de deux fauteuils. Sur la gauche, quelques rangements et, à droite, une salle de bain presque aussi grande que la chambre. C'était parfait.

- Je suis exténué, soupira Chopper en se roulant en boule au milieu du lit.

Dans un profond soupire, Zoro se passa une main dans les cheveux. Mais c'est toujours sans un mot qu'il déposa son sac - fait à la va-vite avant de quitter le navire - près du lit et qu'il retira ses bottes.

Pour le capitaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant