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Le bar commence à se vider.
Il ne reste plus que moi et trois ou quatre autres alcooliques qui tentent d'oublier leurs vies merdiques avec de la liqueur.
Je fais signe à la barmaid de me resservir un Gin, puis le bois cul sec.
Je finis par lui demander de me laisser la bouteille. Foutue pour foutue ...

Quelques minutes et gorgées plus tard, je vois du coin de l'œil quelqu'un s'asseoir à deux tabourets de moi. Je l'entend demander un bourbon, d'une voix grave, presque sèche. Je tourne la tête et le découvre entrain de me regarder.
L'interrogeant du regard, je hausse les sourcils. Pas de réponse. Il continue à me fixer.
Je détourne les yeux, blasée.
Encore un qui va venir me proposer de m'offrir un verre, puis deux, puis un coup vite fait dans les toilettes. J'avoue que je ne dirais pas non, et surtout à lui ; j'ai remarqué qu'il était plutôt beau : les yeux bleus perçants, une barbe bien fournie et une mâchoire carrée.
Des cernes creusées, l'air malheureux : tout à fait mon genre.

Je souris toute seule avec cette pensée. Comme si j'avais un genre particulier. Homme, femme, non-binaire, tant que la personne est consentante et me permet de me sentir moins seule pendant un court instant, je prends. Qu'est ce que je peux être pathétique.

Je vois du coin de l'œil l'homme se lever, puis venir se poser sur le tabouret qui se trouve juste à ma droite.
J'entame la conversation, sans lever les yeux :

« _ Tu m'offres un verre ?

Il lâche un léger rire.

_ Je crois que tu as déjà ce qu'il te faut, dit-il en désignant la bouteille à moitié vide en face de moi.

A mon tour de sourire.

_ C'est pas faux.

D'ailleurs, je me ressers un verre. Encore un cul sec.
Je fis signe à la barmaid pour la énième fois depuis le début de soirée, puis offre un bourbon à mon voisin.

_ C'est en quel honneur ?, m'interroge-t-il.
_ Si tu veux m'accompagner, autant que tu suives mon rythme. Et tu as beaucoup de retard.

Un cul sec de plus.

_ Crois-moi, tu ne pourras jamais suivre MON rythme, me répond-il en avalant ses deux verres d'une unique gorgée chacun, à la suite, sans grimacer.

Effectivement, il a l'air d'avoir une bonne descente lui aussi.
Je lui souris. Geste qu'il ne me rend qu'à moitié.
Je baisse les yeux, et je remarque qu'il porte des manches longues ainsi que des gants en cuir. On est en plein mois d'août, je fronce les sourcils. Il a dû voir comment je fixais ses bras, car il n'attend même pas que je l'interroge, il prend les devants :

_ Mauvaise circulation sanguine.

D'accord. Je n'y crois pas vraiment, mais ce ne sont pas mes affaires.
Je remplis mon verre encore une fois.
Un silence s'installe, légèrement gênant, mais au moins on peut considérer que je ne bois pas vraiment seule.
Je regarde l'heure : 3h45. Je devrais y aller.
J'avale ma dernière gorgée de Gin, dépose des billets sur le bar pour régler ma bouteille et le verre que j'ai offert à l'homme, puis commence à me lever.

_ Tu t'en vas ?, me demande l'homme aux gants.
_ Bonne déduction, Sherlock. Je travaille dans 5h, ça serait bien que je rentre chez moi. A un de ces soirs.
_ Avec plaisir.

« Avec plaisir » ? Pourtant il n'avait pas l'air d'apprécier ma compagnie plus que ça.
Il est sûrement juste poli, je ne le reverrai jamais et au fond je m'en fous. Je trouverai bien un autre compagnon de boisson, ce n'est pas ce qui manque dans ce bar.

Un dernier sourire, puis je m'en vais.

VIOLETTE - A LOVE STORYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant