Chapitre 15

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    Malheureusement pour moi, le train dans lequel se trouve mon père est à l'heure pile, il termine tout juste son arrêt, et durant les secondes qui suivent, les portes s'ouvrent lentement, laissant sortir petit à petit une foule de voyageurs pressées de profiter de l'air frais ou simplement de rentrer chez eux, au choix. Le voir à l'heure est plutôt rare, en général il y a toujours du retard, soit à cause de gréviste, ou bien branche d'arbre étendu sur les voies, ou de personnes souhaitant passer de vie à trépa – étonnement, le troisième cas m'aurait bien plus convenu, non pas que je souhaite le malheur de quelqu'un, mais plutôt parce que ça aurait permis de retarder l'échéance au maximum.

Après deux jours à trépigner, à chercher les mots suffisant pour annoncer la nouvelle à mon père, le moindre imprévu m'aurait comblé. Je n'ai pas croisé Alisa depuis, c'est Sarah qui l'a ramené cette nuit-là. Je n'ai pas même pas pu la questionner sur l'agressivité des membres de sa meute, je pense m'en abstenir pour l'instant, et forte heureusement je n'ai pas eu à revoir ces lycanthropes de nouveau, ni les chasseurs d'ailleurs. Ce qui n'est pas sans m'arranger.

Une voix féminine au ton monotone résonne dans toute la gare, annonçant l'arrivé des trains, ainsi que les départs, rappelant même parfois les consignes de sécurité. Je cherche du regard mon père dans la foule s'agglutinant auprès des sorties de quai, je le trouve tout de suite avec ses cheveux grisonnants et son allure nonchalante ; pour qu'il me voit, je lève un bras et tout de suite son regard croise le miens. Il s'approche de moi, sac au dos, petite valise à la main, il prend toujours le stricte nécessaire quand il part, et souvent je dois m'assurer qu'il n'oublie rien. C'est exactement le type de personne qui serait capable de partir sans son téléphone ou bien son chargeur. Je me souviens de cette fois où s'est arrivé et où j'ai mis plus d'une semaine à essayer de le contacter. Le type de stresse que je préfère éviter autant soit peu surtout quand ça fait plusieurs années qu'il s'absente régulièrement ainsi.

A l'issue d'embrassades affectueuses, nous regagnons l'appartement au bout d'une dizaine de minutes de trajet dans un silence religieux. Ce n'est que lorsque qu'il dépose son sac à dos sur le canapé qu'il me demande :

- Comment se passe les cours ?

- Toujours aussi ennuyant.

- Et Mattieu ?

- Il est toujours vivant, c'est une bonne nouvelle non ?

Ma phrase lui fait sourire, il aime bien Mattieu, il le trouve fiable mais souvent bien trop en désaccord avec sa famille, ce qui lui cause beaucoup de soucis – il n'est pas rare qu'il intervienne auprès d'eux pour calmer le jeu, après tout c'est le rôle qu'il a voulu tenir. Garant de la paix entre lycanthropes et chasseurs, et surtout entre chasseurs. La jeune génération est souvent en conflit avec les aînés, certains trouvent qu'ils sont parfois très attachés au passé mais ils sont assez rares.

Il finit par répondre :

- Bien sûr.

- Il faut que je te dise quelque chose...

J'aurai préféré gagner un peu plus de temps mais je sais que ça ne sert à rien, tout comme mentir, je m'en serai voulu. Il doit connaître la vérité car ça commence à prendre beaucoup trop d'importance, et peut-être qu'il saura m'éclairer sur certaines choses.
Je l'invite à s'installer sur le canapé afin de commencer à lui raconter ce qu'il s'est passé. De son regard bleu glacé et perçant, il m'écoute attentivement et si je n'étais pas habitué à son air nonchalant naturel, j'aurai tout de suite eu peur. En y repensant, c'est certainement grâce à celui-ci qu'il a su séduire ma mère. Il a l'avantage d'être un excellent chasseur provenant d'une famille noble très respecté et surtout, il a bon cœur, il aspire juste à la paix. Rien que d'y penser, ça me fait de la peine de lui dire que ce qu'il essaye d'instaurer depuis quelques années maintenant, s'effrite beaucoup en ce moment. Je lui raconte mon agression, ce que les chasseurs masqués ont dit, ma rencontre avec Alisa, Sarah et ma dernière altercation avec les loups-garous.

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