Mon ombre est mon plus net reflet

L'ombre qui me suit

Je me sens lourd, si lourd.

Toutes les parcelles de mon corps me semblent peser une tonne.

Je ressens une horrible sensation nauséeuse à l'intérieur de ma poitrine, comme si un corps étranger vagabondait en ces lieux.

Mon esprit reprend lentement conscience, je réalise l'état dans lequel je suis.

L'eau qui m'écrase s'introduit d'abord dans ma bouche puis dans ma gorge, puis dans mes voies pulmonaires. Je la sens m'engloutir et m'enfoncer toujours plus. Mon corps qui se débat encore, comme une bête à l'abattoir, cherche à reprendre son souffle. Je me noie et perds de nouveau connaissance.

Quelques secondes passent, je me réveille, encore sous l'eau, et le même schéma recommence.

Au bout d'un bon nombre de fois cependant, je me réveille non plus dans l'eau mais sur une surface rude et humide. Je me lève, épuisé: mes cheveux et mes vêtements trempés me font trembler de froid.

J'ai beau être exténué, je ne suis plus surpris de rien. Je commence à capter le mécanisme de cet endroit. Je regarde autour de moi.

Le temps est brumeux, je me trouve sur un ponton encore une fois au milieu d'une étendue d'eau. Je ne mets pas longtemps à comprendre qu'il faut que je le longe.

Au fur et à mesure que j'avance, je distingue des faisceaux de lumière au loin dans le brouillard.

Cela ne me dit rien de rassurant (non pas comme si quoique ce soit l'était depuis que j'ai atterri dans ce stupide "Ego").

J'avance péniblement, frémissant de froid jusqu'à me trouver sous les zones lumineuses.

Il n'y a rien, le ponton continue.

Soudain, un bruit perçant retentit. Je me retourne en hâte, mon cœur s'emballe proportionnellement à mon inquiétude qui s'intensifie. Il y a quelque chose de bizarre ici, je le sens.

Un autre bruit retentit, cette fois-ci, sourd et bref. Puis un autre, et encore un autre. Réguliers, chaque nouveau bruit se différencie du précédant par son volume: ils sont de plus en plus forts.

Mon cœur explose à chacun d'eux, assaillant tous mes nerfs. Des sueurs d'angoisse m'envahissent alors que je tente de garder mon corps debout.

Je fixe l'horizon, n'étant en rien prêt à rencontrer cette chose qui vient dans ma direction.

C'est quand je distingue une forme humanoïde dans le brouillard que tout en moi s'active. Je prends mes jambes à mon cou.

Je cours comme je ne l'ai jamais fait auparavant. Je rivalise avec la vitesse d'un guépard mais j'ai la sensation d'être la plus désarmée des gerbilles.

Pas une seule fois je ne détourne le regard: ni les pas lourds et incessants que j'entends se rapprocher derrière moi ni les respirations folles et haletantes qui transpercent mes oreilles ne me convainquent de donner un visage à mon prédateur.

Je cours mais je ne me sens plus maitre de mon propre corps, je deviens spectateur. Je me vois courir, longer le ponton du plus vite que je peux.

Dans un moment de faiblesse, ne sentant plus mes jambes, je trébuche.

Je n'ai pas le temps de prendre une inspiration que je vois derrière moi une ombre arriver vers moi à toute vitesse. Je me hâte à me relever mais le sol mouillé ne me facilite pas la tâche.

Sollicitant la force de tous les muscles qui me composent, je réussis à me lever et continue ma course. L'ombre derrière moi se rapproche à grand pas, je me sens plus en danger que jamais.