Posté le 14 février

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Après avoir regardé trois épisodes d’affilée de Game of Drones (honte sur moi, j'en suis qu'au milieu de la première saison),  je me suis couchée hier en laissant tout en plan, les fringuesen vrac sur le canap, les miettes d’Oréos partout dans mon lit et la litière du chat dégueu-à-vomir. Donc, ce matin, c’est ménage. Je ne sais pas dans quel type d'appart vous vivez, mais moi c'est un petit T2. Pour une fille de mon âge qui vit à Paris, c'est juste parfait.

Hier, j'ai vu un reportage à la télé sur ce qu'ils appellent le "mal logement" en France...j'ai vu des horreurs ! Des gens qui vivent dans des hôtels pourris et même des étudiants qui sont carrément sdf parce qu'ils n'ont pas de caution !

Donc moi, on peut dire que j'ai trop de chance : c'est mon père, Damien Robert (peut-être que vous avez entendu parler de lui, il est assez connu, il a écrit quelques livres) qui m'a trouvé mon appart. Je n'ai eu qu'à lui passer un petit coup de fil et deux semaines plus tard, on visitait des apparts ensemble. Je peux vous dire qu'il a fait bonne impression ! Et du coup, me voilà bien installée dans mon petit deux-pièces du XIVème arrondissement, où j’habite depuis cinq ans.

Le quartier me plait beaucoup et, si je le trouve loin de chez ma mère, qui vit en banlieue, je peux aller chez mon père à pied ou en vélo. Lui, évidemment, ne vit pas dans le même genre d’appartement que moi.

Son T5 a une vue délirante sur le Parc Montsouris, c’est l’une de ces demeures bourgeoises que l’on ne voit que dans les films. Parquet dans le salon, dans la bibliothèque et la salle à manger, moulures au plafond, rideaux faits sur mesure, il ne s’est rien refusé. Il a acheté son appartement juste après le divorce et s’y est installé quelques semaines plus tard, nous laissant seules, ma mère et moi. Il y a vite pris des habitudes de vieux garçon. Parties de bridge le mercredi soir, balades dans le parc le samedi après-midi, quand le temps le permet, et poularde farcie tous les dimanches, un rituel auquel je suis systématiquement conviée. Il emploie une femme de ménage à plein temps et n’a qu’un regret : ne pas avoir assez de fonds pour s’offrir une villa sur les hauteurs de Saint Tropez. Car il a beau mener une carrière exemplaire dans l’une des meilleures universités de France, il a beau publier des livres et des essais qui ne se vendent pas trop mal, il n’a pas non plus les moyens de vivre comme un nabab sur la Riviera.

Mais il a les moyens de me payer un appart et il sera dit que la fille du professeur Robert n’aura pas à se battre dans la vie.

J’aurais voulu pourtant. Comme mes copines de fac, j’aurais voulu partir faire les vendanges. Comme Emy Desnois, j’aurais aimé expérimenter la vie de serveuse à Londres. Mais rien de tout ça n’était arrivé, on m’en avait dissuadée. Même divorcée depuis des années, ma mère continue à se plier aux idées plutôt strictes de mon père en matière d’éducation et d’études. Quant à Damien Robert, le jour où il m’a entendu parler de la vie londonienne d’Emy Desnois avec envie, il a simplement offert de me payer un aller-retour tous frais compris pour lui rendre visite.

Alors que moi, j’ai parfois envie de gagner ma vie à la sueur de mon front. De me retrouver dans un bar au sol maculé d’alcool, à servir des bières à la chaîne à des Hooligans braillards et puants. Je rêve de me retrouver le soir, épuisée, sur le vieux matelas éventré d’une chambre en colocation. Enfin, je crois que je me surestime un peu. Je préfère de loin pouvoir m’offrir les dernières baskets compensées de Seranifo. Ou avoir un boyfriend en ce jour maudit de la Saint Valentin. Tiens, ça serait pas mal, ça aussi.

Confessions d'une serial blogueuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant