Portus et Obliviate

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Quinze minutes plus tard, la voiture s'arrête sur un petit parking de supermarché. Mon père sort une valise du coffre, puis jette un sort de Ratatinage sur la Posche et tous nos bagages  sont maintenant réduits à la taille de jouets moldus. Il les range dans la mallette puis ramasse une vieille cannette de Coca. Il ferme les yeux puis murmure :

- Portus.

Le Portoloin brille alors d'un éclat jaune, et je me couvre les yeux pour m'en protéger.

- C'est bon, dit enfin Draco en abaissant sa baguette. Mettez votre doigt sur cette canette. Je compte jusqu'à dix.

Je déglutis, puis pose mon doigt à l'endroit indiqué, juste à côté de celui de ma mère.

- 1... 2... 3... 4... 5... 6...

Je vois des moldus sortir de la supérette. Elle n'était apparemment pas abandonnée !

- Papa... tentai-je.

- 7... 8...

Il ne faut absolument pas que ces stupides moldus nous voient disparaître comme par magie.

- Papa !

- 9...

Il m'ignore ou quoi ? En plus, pour une fois que je dis quelque chose d'intéressant... Cela pourrait nous coûter très cher, enfin surtout à mon père qui travaille au Ministère !

- PAPA !

- 10 !

Alors, comme dernière chance, je retire mon doigt du Portoloin, laissant mes parents et ma grand-mère disparaître.

La force du tourbillon du Portoloin me décoiffe et je sens la colère monter en moi.

Je suis décoiffé.

Où est passée ma dignité ? Un Malfoy... Décoiffé ? Dans toute l'histoire de l'humanité, ça ne s'est pas vu une seule fois ! Je refuse d'être le premier et me jette un sort de re-coiffage, appris dès que j'avais l'âge légal pour posséder une baguette magique. Écoutez, chacun ses priorités hein.

Mon père aurait dû m'écouter ! Sans moi, ç'aurait mal fini, c'est sûr à 99, 99%.

Je retrousse mes manches, puis sors ma baguette magique, sous les yeux des deux moldus qui me regardent, médusés et immobiles.

- Vous savez ce que c'est, ça ? leur demandai-je.

- Un... Bout de bois ? propose celui de gauche en haussant un sourcil.

- Non, fais-je, mieux que ça. Bien mieux que ça ! Ce "bout de bois" va me permettre de vous faire oublier ce que vous venez de voir.

Je décide de leur expliquer, dans tous les cas ils ne s'en souviendront plus après.

- Je vais vous jeter un sort. Je suis un sorcier.

- Mais il est fou ! s'exclame celui de droite.

Hum. C'est pas gagné.

- Complètement fou ! opine celui de gauche, le plus jeune. C'est triste quand même, à son âge. Il doit avoir quoi, neuf ans ?

Neuf... Neuf ans ?

Mais il se prend pour qui lui ? Hé, je suis un Malfoy OK ? Je t'interdis de me mépriser ainsi ! Tu vas le regretter...

Je sens la colère monter en moi.

- Excuse-toi, j'ordonne.

Il éclate de rire, puis me dit :

- Où sont tes parents, mon grand ?

Je leur jette un regard glacial. J'inspire profondément, il faut que je sois très concentré : aucun élève de septième année n'est censé connaître le sortilège d'Amnésie, alors un deuxième année... Je rouvre les yeux, fixe leurs visages moqueurs puis me décide enfin à leur jeter le sortilège :

- Obliviate ! fais-je.

Un rayon de lumière bleu fuse de ma baguette et percute de plein fouet l'homme de droite.

- Obliviate ! je répète.

Le deuxième moldu évite de justesse le sort, puis se met à courir autour de moi. Il me jette un coup d'œil, visiblement très fier de lui, sans s'arrêter pour autant.

C'est avec un plaisir malsain que je le vois se prendre un poteau en plein visage, puis tomber par terre, KO. C'est ça de ne pas regarder devant soi quand on court.

Je le regarde, soupire puis lui jette le sortilège d'Amnésie. Finalement, peut-être que mon père avait raison. Peut-être que les moldus ne seront jamais aptes à accepter que nous, les sorciers, existons. Il n'empêche qu'ils verraient notre monde comme le voient les Cracmols. De loin, rejetés.

Il paraît que Rusard en est un, ce qui, personnellement, ne me surprend pas. C'est sûrement à cause de ça qu'il me déteste.

Hum, plutôt à cause de mon père en fait. Enfin, ça ne m'étonnerait pas. C'est sûr qu'un gamin d'un mètre moins vingt qui se prend pour le roi du monde et qui donne des ordres... C'est possible que ça fasse mauvaise impression.

Maintenant, une question se pose : comment retrouver mes parents ?

Je ne sais ni transplaner, ni jeter le sortilège des Portoloins. Je ne sais même pas où ils sont allés... Mais je suppose que c'est au manoir.

Il n'y a plus qu'une seule solution, solution que mon père m'a interdit de nombreuses fois.

"Ce n'est pas un endroit pour un Malfoy. Si on te voit là-bas, ce serait honteux. Un Malfoy ne s'abaisse et ne s'abaissera jamais à prendre ce... Truc, que le Ministère qualifie d'ailleurs "d'utile". Pas "confortable" ou encore "fonctionnel". Non, "utile". Tu comprends bien ce que ça veut dire, Scorpius. Tu as la formelle interdiction de mettre les pieds là-bas !"

Je pense que ça ne peut pas être plus dangereux que l'Allée des Embrumes. C'est le quartier le plus mal famé de tout le Chemin de Traverse, alors je pense que ça ne peut pas être pire. Disons que, si ça l'était, cela équivaudrait à un centre pénitencier ouvert.

Alors, comme dernier recours, j'agite ma baguette magique sans jeter de sort, me souvenant de ce que m'avait raconté ma mère. J'attends, patiemment, croisant les doigts en espérant que ça marche.

Je mets mes mains dans mes poches, cherchant un ou deux Gallions pour payer. Soudain, mes doigts se referment sur une boîte étrange. Je la sors, puis découvre un des cadeaux de Lily.

Je soupire. Il faut absolument que je lui donne ! Mais comment me procurer son adresse ? Le seul moyen, c'est de se rendre au Ministère pour demander à son père, demander au Petit Pote Potty. Il faudrait que je convainque mon père de m'emmener avec lui. L'excuse ? J'aimerais bien savoir en quoi consiste son travail. Je suis en vacances, en plus. Il me suffirait de simuler un "besoin pressant d'aller aux toilettes", puis j'irai voir Potter. C'est aussi simple que ça !

Autre minuscule problème. Pourquoi Potter accepterait-il de me donner son adresse ? Elle est censée rester secrète, et la donner au fils de son pire ennemi ce n'est peut-être pas le plan le plus judicieux, de son point de vue...

Hum. Alors, comment le convaincre ? Lui avouer ce que je ressens pour Lily ? Je crains qu'il parte en courant en entendant ça... Lui dire que j'ai un travail commun avec sa fille ? En pleines vacances, c'est suspect...

Attends, je crois que j'ai trouvé. Pourquoi ne pas lui remettre une lettre, adressée à Lily et lui demander de la lui donner ? Ce serait faisable. Je n'ai aucune certitude que Potter ne l'ouvre et lise tout (ou bien ne la donne tout simplement pas à Lily) mais j'ai au moins besoin d'essayer.

Accoudé contre un poteau, j'aperçois soudain, au loin, un véhicule violet se rapprocher à une vitesse alarmante...

Journal d'un serpent, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant