Plus qu'une cabine

6 3 2
                                    

Des Moldus me bousculent, je vois des enfants courir et un se prendre un lampadaire. C'est ça de ne pas regarder devant soi !

C'est déjà le deuxième qui se prend un poteau sous mes yeux, je commence à croire qu'ils font exprès, aujourd'hui.

J'étouffe un petit rire, puis vois qu'il pleure. Les autres enfants continuent de courir, sans se retourner. J'hésite.

Finalement, je vais vers lui, dans ma longue cape noire et ma valise à la main. L'enfant lève les yeux vers moi. Ses cheveux en boucles blondes tombent sur ses épaules. Il doit avoir cinq ou six ans. C'est un Moldu, c'est dur de dire...

Ses yeux sont marrons et me fixent, sans comprendre. Soudain, il crie :

- MAMAAAAAAAAN !

Je n'ai pas le temps de me retourner qu'un éclair de lumière bleu vient me heurter et me propulser dix mètres plus loin.

Je manque de tomber mais me rattrape miraculeusement, appuyé sur ma malle (qui a été expulsée avec moi). Je sors instinctivement ma baguette magique et regarde soudainement derrière moi : l'enfant !

Une femme le tient dans ses bras, un affreux manteau de fourrure violette sur les épaules. Elle vient à ma rencontre.

Ma baguette toujours pointée dans sa direction, je l'abaisse lorsqu'elle range la sienne.

- Excuse-moi, dit-elle avec un accent français très prononcé, je suis vraiment désolée !

Elle est au bord des larmes et je commence à penser qu'elle a un ou deux petits problèmes mentaux.

- Je ne savais pas qui vous étiez ! Je pensais que vous vouliez faire du mal à Pierre. Oh, désolée !

- C'est bon, dis-je pour la faire partir, tout va bien, y a rien de grave.

Elle me sourit et hoche la tête.

- Où allez-vous ? me demande t-elle.

- Je dois juste passer un coup de fil, répondis-je en me dirigeant vers la cabine téléphonique d'un pas rapide.

- C'est le Ministère de la magie ? questionne t-elle une seconde fois.

- Oui, fais-je.

- Merveilleux ! J'y vais aussi, figurez-vous !

- Ah. Oui, merveilleux comme vous dites...

Je soupire. Pourquoi est-ce qu'aujourd'hui ne peut pas se passer comme prévu ?

La femme marche à mes côtés, son fils (Pierre, donc) dans ses bras. Elle m'explique qu'elle a deux autres enfants, dont une fille qui a mon âge et avec qui je pourrai m'entendre, bref, que des choses inintéressantes que j'oublie immédiatement.

Arrivés dans la cabine téléphonique aux vitres cassées, elle tape le code. La désagréable voix d'une femme s'élève :

- Bienvenue au ministère de la Magie. Veuillez indiquer votre nom et l'objet de votre visite.

- Je m'appelle Ariette Martin, dit la femme à mes côtés d'une voix assurée, je viens pour rendre visite à un ami.

- Je m'appelle Scorpius Malfoy, je répète, ne sachant pas ce que je dois dire ou non. Je viens pour heu... rendre visite à mon père.

Je jette un coup d'œil en direction de la femme, mais elle n'a aucune réaction particulière et ne semble donc pas me connaître ou avoir entendu parler de ma famille, ce qui, quelque part, me rassure un peu.

- Merci, dit la voix. Vous êtes priés de prendre les badges et de les attacher bien en vue sur votre robe.

Deux badges ronds en métal tombent du ciel (mais littéralement, je n'ai aucune idée de là d'où ils viennent). Je me baisse pour le ramasser, le saisis puis l'observe. Il est inscrit en son centre "Scorpius Malfoy, VISITEUR" en noir sur fond blanc. Je le fixe à ma cape de voyage à l'aide d'un sortilège pour ne pas l'abîmer.

- Oh ! Ils ont changé de forme depuis la dernière fois ! s'exclame Ariette Martin, ravie. C'étaient des carrés avant !

- Les visiteurs sont priés de se soumettre à une fouille et de présenter  leur baguette magique pour enregistrement au comptoir de la sécurité situé à côté de la statue représentant la victoire du bien contre le mal, récite, monocorde, la voix métallique.

Le sol de la cabine, déjà en mauvais état, se mit soudain à vibrer très fort. Je m'accroche à la première chose que je trouve (la veste en fourrure de ma voisine, en l'occurrence), et vois avec horreur que nous nous enfonçons dans les entrailles de la terre.

Je comprends alors l'utilité des cours de botanique : connaitre les différentes couches de la terre nous permet de savoir à peu près à combien de mètres sous terre sommes-nous enfoncés. Pour le moment, c'est étrange parce que je ne vois aucune couche différente, et je comprends alors que si la théorie est une chose, la pratique en est une autre...

Nous continuons de nous enfoncer, ça vibre toujours autant, et j'entends mon ventre protester : il n'apprécie pas trop les transports brutaux, même s'il a plutôt bien supporté le Magicobus. Là, la cabine est le transport de trop.

Ma voisine ne fait aucun commentaire sur le fait que je me suis agrippé à sa veste et suis littéralement en train d'en enlever tous les poils tellement je me sens mal.

Si nous étions dans un dessin animé moldu, j'aurais le teint tout vert...

Ariette voit que je ne suis pas bien. Elle cherche dans son sac (ni elle ni son fils ne semblent affectés par les vibrations augmentant d'intensité, je ne sais pas comment ils font, vraiment) et en sort un petit sachet, portant l'inscription Ricola.

Elle en sort une pastille jaune et me la tend. Elle me dit, en français :

- Tiens, c'est pour toi.

- Merci, je réponds en massacrant sa langue.

Elle me sourit, apparemment ravie que je parle français.

Vous vous demandez pourquoi ? Vraiment, vous n'avez pas à chercher très loin... Le français étant considéré comme une langue noble chez les sang-purs, il n'est pas rare que des parents (riches, on va pas se le cacher) fassent venir un professeur de français à la maison pour enseigner cette langue aux enfants.

Ça a été mon cas, bien entendu. J'aime bien parler d'autres langues (je trouve ça stylé, pas vous ?) et, en plus, mes parents ne voulaient pas que les autres sang-purs les mettent en marge.

En fait, je crois que même si je détestais apprendre des langues, rien n'aurait changé : la question ne se posait même pas : je devais absolument parler le français, pour ne pas déroger à la tradition et paraître "hasbeen".

Je saisis donc la petit pastille et la met dans ma bouche. L'effet est immédiat : l'envie de vomir m'est passée ! C'est génial !

- Où avez-vous trouvé ces pastilles ?

- En France, répond la femme en anglais à mon plus grand soulagement. C'est une marque sorcière qui vend aussi des pastilles chez les moldus. Celles des sorciers sont bien plus efficaces, mais cela fonctionne aussi très bien pour les non-sorciers. Il me semble que vous pouvez commander des sachets depuis l'Angleterre, si cela vous intéresse.

- Quelle est la marque ?

- Ricola.

Le sol de la cabine cesse alors de vibrer, me laissant deviner que nous sommes arrivés à destination. Je jette un dernier coup d'œil vers la femme et sa boîte de pastilles magiques, puis pousse la porte de la cabine, qui s'ouvre et me dirige directement dans l'antre du monstre : en plein milieu du Ministère de la magie. Des hommes et des femmes, se bousculant dans tous les sens, grouillant comme une fourmilière.

- Passez une bonne visite, conclut la voix de la cabine, froide et insupportable.

Journal d'un serpent, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant