LES STATUES

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Dans la Vallée des Disparus, l'autre Phil-mirage fait son apparition. Il n'a jamais trouvé l'oasis. Il n'a pas davantage réussi à rejoindre le taxi. Il s'est égaré et erre depuis des jours dans les limbes arides entre un point de départ et une destination introuvables. Après tout ce désert perpétuellement semblable à lui-même, ce changement de décor est bienvenu. Il se laisse flotter entre les innombrables sculptures, admire la justesse du trait, le naturel des postures. C'est peut-être là le secret du désert, songe-t-il : plutôt que d'y chercher ce qu'on n'y trouve pas, apprendre à apprécier ce qu'on y trouve.

Il s'enlise dans ces considérations vaporeuses lorsqu'il aperçoit deux silhouettes qu'il connaît bien. Les deux statues de sable sont assises côte à côte et contemplent leurs mains. Les visages expriment une lassitude indicible. Il se rappelle les mots qu'Ivor a dits à un autre Phil, il y a longtemps, sur ce qui arrive à ceux dont on brise les statues. Il se souvient aussi qu'un autre Phil, ailleurs, n'a pas osé le faire, et qu'il a maintenant disparu. Et il se dit que finalement, ce n'était peut-être pas l'oasis qu'il était censé trouver, mais cette vallée. Car les mirages peuvent prendre des risques dont les êtres ne peuvent que rêver.

We may lose, and we may win

Though we will never be here again...

UN TAXI DANS LE DÉSERTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant