DANS LA TOUR

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Face contre terre, le Phil-mirage se réveille dans l'obscurité. Il y a ici tout ce qui lui a tant manqué ces derniers jours : l'ombre, l'air frais, un sol dur et froid, probablement en pierre. L'intérieur de la Tour, à n'en pas douter, même s'il serait bien incapable de dire comment il y est entré. Le voilà prisonnier, à présent, comme le prince de la légende. Va-t-il le rencontrer dans ces ténèbres ? Par chance, la noirceur n'est pas totale : un mince filet de lumière perce l'encre environnante et lui permet, à mesure que ses yeux s'acclimatent, de discerner un peu mieux ce qui l'entoure.

La pièce où il se trouve n'est pas circulaire, comme il s'y était attendu. Au lieu d'épouser la forme cylindrique de la Tour, l'endroit s'apparente à un couloir étroit, qui paraît bien trop long pour tenir à l'intérieur du bâtiment tel qu'il l'a vu. Est-il vraiment dans la Tour, ou a-t-il été transporté ailleurs pendant son sommeil? Peut-être la Tour n'est-elle pas une prison, en fin de compte, mais un lieu de passage, un vaisseau, un véhicule...

Son pied heurte quelque chose. Il s'accroupit. Un objet dur, massif, qui évoque une boîte. Ses doigts parcourent la surface rugueuse. Une poignée, qu'il reconnaît. Sans avoir besoin de la voir, il l'ouvre, en palpe le contenu. Des vêtements. Un appareil photo. Un carnet. Sa valise.

Soudain, tout s'éclaircit. C'est ici que se retrouvent toutes les choses perdues dans le désert. S'il a retrouvé sa valise, c'est qu'il est désormais perdu, comme elle. Quelque part, dans la Vallée des Disparus, une statue doit maintenant arborer son visage. Ce lieu est le siphon, l'entonnoir où s'échoue tout ce qui n'est plus sur la carte, tout ce qui a glissé hors du monde. Il aurait envisagé cela comme une vaste fosse ou un entrepôt, plutôt que ce corridor étriqué. Enfin, il y a de la lumière, là-bas au bout, et il faut aller voir de quoi il retourne. Il ramasse sa valise et se met en chemin.

Nul autre bruit dans ce tunnel que l'écho de ses pas. La lueur vers laquelle il avance s'intensifie, très graduellement. Il s'efforce de ne pas la regarder de manière trop directe, car elle est difficile à soutenir. Cela ne peut être que le jour, la clarté brûlante du désert à midi. Peut-être n'est-il pas si loin du monde, finalement.

Il marche un temps indéfini. La lumière grandit si lentement qu'il le perçoit à peine. Peu à peu, le tunnel se fait incandescent, blanchit, se dissout. L'éblouissement s'atténue. Il commence à distinguer des nuances de couleurs, des embryons de formes. Des dunes. Un rectangle bleu délavé. Quatre lettres blanches, presque illisibles. Un T. Un X. Cyclopéen, le soleil écrase tout.

UN TAXI DANS LE DÉSERTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant