Le Pacte du Déshonneur

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Grand.

C'est le mot.

Tout est grand ici.

La villa, la piscine, le jardin, la fontaine.

Les deux chiens de garde sont colossaux. Lorsque j'ai vu leur ombre, j'ai pensé avoir à faire à des ours.

Le hall d'entrée est sublime, avec un double escalier comme dans les contes de fées. Ah ! Si au moins je pouvais être Belle avant qu'elle ne danse avec la Bête. Mais non. À cet instant, je me sens plutôt comme Cendrillon avant qu'elle n'ait rencontré sa bonne fée.

- Mademoiselle Maquis ?

Un vieil homme habillé en queue de pie me regarde d'un air absent.

- Mademoiselle, Monsieur Richardson vous attend. Veuillez me suivre.

Nom de dieu ! Mais ils ont aussi un majordome alors ?

Nous longeons un corridor dont le mur est convert de portraits. J'ai l'impression de retomber au Moyen-Âge depuis que je suis arrivée sur le domaine. Auraient-ils donc oublié que nous sommes au vingt-et-unième siècle ? Le valet s'arrête devant une immense porte en bois massif. J'espère sincèrement ne pas avoir à me faire à toute cette extravagance.

J'entre dans une première salle. Un simple bureau et une armoire la meublent, ce qui, au vu de la superficie, est très peu. Je suppose qu'il s'agit du secrétariat, à mon grand dam. Ce qui me saute aux yeux dans la deuxième pièce, c'est le grand portrait taille réelle du patron de la maisonnée. Ce n'est qu'après de longues secondes que je remarque le même homme en chair et en os, assis juste en dessous.

- Élie ! Comme tu as grandi depuis la dernière fois !

- Le fait est que, la dernière fois que vous m'avez vu, j'avais sept ans. J'en ai le triple à présent.

Charles Richardson me regarde d'un air contrit. Je sais très bien ce qu'il pense : il n'aurait jamais dû me revoir. Mon oncle, grand frère de mon père, aurait dû avoir un enfant. Et c'est cet enfant qui aurait dû être à ma place. Mais Tonton a toujours évité d'avoir une descendance et je ne peux pas lui en vouloir. Qui a envie que son enfant n'ait d'autres choix que d'être secrétaire pour la plus hautaine des familles de France ?
C'est donc à moi qu'incombe la lourde tâche de servir les Richards, comme tous mes ancêtres depuis un siècle.

- Tu as vu ton bureau ? Comment le trouves-tu ?

- Un peu vide si vous voulez mon avis.

- Vraiment ? La vue est sublime depuis la fenêtre pourtant.

- Peut-être. Je suppose qu'en ajoutant quelques décorations ça ira.

Mon futur patron me regarde d'un air abasourdi.

- Voyons ! Tu ne vas tout de même pas rajouter des photos ou je ne sais quoi ? C'est ma mère qui a pensé l'aménagement de la pièce. Ça ne peut que convenir.

Je me mords l'intérieur des joues pour me retenir de lui répondre. Étant donné que je vais passer ma vie à leur service, mieux vaut que nous entretenions une relation un minimum cordial. J'ai bien peur que l'orgueil des Richardson soit aussi grand que le reste de leurs biens.

- Bon, viens ici. Je dois te faire signer le contrat.

À ces mots, une cascade d'espoir s'abat sur moi. Signer le contrat ? Alors si je ne le signe pas, je ne travaillerai pas pour eux ?

Le stylo en l'air, Charles me regarde sans ciller. Je reste campée sur mes pieds, à plusieurs mètres de lui et de son portrait ostentatoire.

- Tu viens ?

Le Pacte du déshonneurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant