Tu seras roi [MxM]

Chapitre 1

Dans la nuit où seule une brise légère et froide soufflait, synonyme de la fin de l'hiver et de la naissance du printemps, un lointain brouhaha presque inaudible s'entendait. Des voix d'hommes et de femmes d'une certaine noblesse étaient rassemblés au confort d'un château luxueux. Une fête s'y déroulait, alcool à foison, nourriture en abondance et joie. Sans se soucier de ce qu'il se passait en dehors des murs. Sans prendre garde à la silhouette chétive qui s'approchait furtivement, passant outre le peu de soldats qu'il restait à l'extérieur avec dextérité, et s'introduisant sans peine à l'intérieur via une petite ouverture au bout d'une corniche.

La grande salle de bal était faite de murs de pierres, d'astragales décorées d'or et de toiles somptueuses. Au centre, se dressait un majestueux arbre millénaire portant des fruits juteux à l'apparence douteuse, mais dont la rumeur faisait l'éloge d'un goût plus que succulent, pour ceux ayant eu l'immense chance d'y goûter. Ces fameux fruits qui ne poussaient que sur ce fameux arbre. Personne ne pouvait estimer avec exactitude l'âge de cet arbre et certains affirmaient même qu'il était né avant ce monde.

Une foule de personnages discutait ensemble sur un fond sonore de harpe et de flûte. De part et d'autre de l'arbre, se dressaient d'immenses tables basses. Certains des convives, les Honorables, étaient assis sur des coussins de soie posés à même le sol tout autour de ces tables. Le jeune homme secoua la tête, désapprobateur. D'autres invités se tenaient debout et d'autres encore dansaient au son de cette musique entraînante et joviale. Il renifla l'odeur de la nourriture qui parcourait la pièce et son ventre grogna. Au fond de cette enceinte, en haut de quelques marches, un trône dominait la salle, sur lequel était assis un adolescent qui affichait un sourire hautain. À côté de ce jeune garçon, un homme âgé aux cheveux gris se penchait pour lui souhaiter un joyeux anniversaire.

Le jeune homme perché sur la corniche, paraissait, sous la lumière, pâle et sale et ses habits noirs étaient vieux et craqués. La vie n'était pas tendre avec lui, comme avec tous ces gens vivant en dehors de la cour, ces indigents qui n'avaient pas eu l'heur de naître dans la bonne famille.

Il sauta avec agilité sur un des nombreux lustres suspendus, puis sur un autre à côté puis encore un autre pour finir par arriver sur celui qui se trouvait juste à côté de l'arbre. Son adresse et son poids plume lui avaient permis de ne pas se faire remarquer par la foule aristocratique qui s'égayait plus bas. De là, il se jeta sur une des nombreuses branches faisant tomber par inadvertance quelques feuilles sur le buffet.

En bas, un homme d'une trentaine d'années était assis sur de nombreux coussins bordeaux. Il était vêtu d'une chemise en lin blanche, entrouverte, dévoilant sa devanture athlétique. Il y avait, posée à côté de lui, une somptueuse couverture grise, sur laquelle l'emblème de la Cour était gravé en or. Une Jonquille, symbole de la chevalerie et de la vie éternelle, mais également symbole de l'amour non partagé. Cet amour que les riches avaient pour leurs semblables, mais ce dédain qu'ils éprouvaient pour tous les autres, notamment les plus pauvres.

L'homme remarqua ces feuilles tombant anormalement sur le buffet et, par la même occasion, dans ses cheveux ébène. Ses yeux bleus se levèrent, mais, lorsqu'il ne vit rien qui lui paraissait sortir de l'ordinaire, il fronça les sourcils avant de retourner à ses occupations. Il observait son jeune demi-frère, Clovis, assis sur le trône prétendant être le roi alors qu'il venait seulement d'avoir seize ans. Même si ce jeune garçon pouvait être espiègle et mesquin par moment, il ne pouvait s'empêcher de l'aimer, car, après tout, il l'avait pratiquement élevé.

Neven, assis sur une branche souffla discrètement pour évacuer son stress et attrapa quelques fruits pour en remplir sa besace. Il se pencha pour en attraper un dernier et glissa légèrement, son cœur fit un bond, il ne fallait surtout pas qu'il tombe sinon, c'était le châtiment. Il se calma et, lentement, entreprit une nouvelle fois d'attraper le fruit, mais il glissa une fois de plus. Sa chute lui parut interminable durant laquelle quelques branches tranchantes lui lacérèrent le visage et déchirèrent encore plus ses vêtements. Il atterrit, malheureusement, tête la première sur les genoux de l'homme adossé à l'arbre. Durant un instant, le regard surpris de l'homme croisa ses yeux noisette remplis d'inquiétude. Quelques mèches blondes s'échappèrent de son capuchon collant à son front transpirant de peur. Au même moment, une voix enjouée s'écria juste derrière l'homme :