Tu seras roi [MxM]

Chapitre 8

La voix de Charles sortit Neven de sa torpeur et lorsque le prince posa une main sur ses cheveux, son visage reprit quelques couleurs.

— Va te reposer, instigua-t-il en ébouriffant ses cheveux.

Neven obéit et prit la direction de sa chambre, les jambes lourdes de toutes les craintes qu'il avait à présent. Il s'affala sur le lit et souffla. Il sortit la note contenant le "L" ensanglanté et la fit rouler entre ses doigts. Qu'allait-il faire ? Il ne pouvait pas s'enfuir maintenant, mais s'il restait, il mettait en danger la vie de tous les domestiques du domaine ainsi que celle du prince. Néanmoins, retourner voir Louis était pire que la pendaison, il lui ferait subir les pires sévices qui puissent exister sur cette terre. S'il y avait bien une chose que Louis détestait plus que les mauvais payeurs, c'était ses hommes de main qui le fuyaient...

Hanna le sortit de ses pensées morbides lorsqu'elle entra dans la chambre avec un plateau contenant une assiette de nourriture et de l'eau. Elle le déposa sur la table basse et lorsqu'elle s'assit sur le lit Neven cacha du mieux qu'il put la note.

— Une lettre d'amour ? demanda-t-elle moqueuse.

Neven roula des yeux tout en s'asseyant et Hanna continua sérieusement :

— T'es pas du genre bavard, toi. Tu peux me parler, tu sais. Elle se pencha sur le jeune homme, qui recula, déstabilisé, puis ajouta : Je sais garder les secrets.

Elle lui fit un clin d'œil tout en lui donnant un léger coup de coude amical. Neven lui sourit, elle avait le don de remonter le moral et de faire oublier un court instant tous les soucis d'une personne. Il resta cependant silencieux.

— Je t'ai posé de la nourriture sur la table, je me suis dit que t'aurais faim, dit-elle en se dirigeant vers la porte.

Neven avait envie de lui faire confiance, il avait envie de lui parler, mais c'était encore beaucoup trop tôt. Il n'était pas prêt. Lorsqu'Hanna sortit de la chambre, il se dirigea vers le plateau et dévora l'assiette.

— Que c'est bon... pensa-t-il en savourant le repas.

Il devait en profiter avant que tout cela ne lui soit enlevé, car, un jour ou l'autre, la réalité le rattraperait. Nombre de fois avait-il essayé de s'en sortir, mais sa triste vie le ramenait toujours au point de départ. Tant que Louis faisait partie de sa vie, tant qu'il se trouvait près de Mérhos, dans la province ou même dans le royaume, sa vie d'esclave et de voleur le poursuivrait. Il devait quitter cet endroit, recommencer une nouvelle vie ailleurs, une vie dans laquelle il pourrait n'être personne et surtout, celui qu'il avait envie d'être. Il économiserait assez pour s'acheter une petite ferme et vivrait de ses récoltes. Mais tout cela, il le savait, était un bien grand rêve. Comment pourrait-il faire maintenant qu'il était coincé à jouer les espions pour le prince avec Louis à ses trousses ? Il se sentait coincé. Il ne pouvait pas se faire à l'évidence qu'il n'était, au final, pas si libre. Il appartenait au prince, il l'avait compris. Certes, il n'était pas esclave ni domestique, mais l'idée même d'appartenir à quelqu'un l'horripilait. Il n'avait pas fui sa vie d'esclave pour se retrouver là. Neven aimait la liberté, même si celle-ci lui en coûtait la vie.

Une fois son assiette finie, il se déshabilla et se coucha. En y repensant, il avait beau être jeune, il se dit qu'il avait déjà vécu énormément de choses, même si elles étaient déplaisantes. Si la vie n'était pas tendre avec lui, elle avait au moins le mérite d'être tumultueuse et Neven ne s'ennuyait jamais.

La nuit était fraîche, les températures avaient rechuté en ce début de printemps timide. Lorsque Neven se réveilla, il faisait encore nuit et il avait froid malgré ses vêtements et la couverture. Les pierres des murs du manoir n'aidaient pas à garder le peu de chaleur que pouvait procurer le soleil durant la journée. Il devait avouer qu'il était de nature frileuse, mais il avait dû s'habituer au froid durant les hivers rudes. S'était-il déjà trop acclimaté à tout ce confort ? Jamais le froid ne l'avait empêché de dormir dans sa piaule de fortune.