Chapitre 3 : Midnight city

20 1 0
                                    

Le dénommé Marco avait apporté ma moto. La foule était déchaînée depuis
l’annonce de ma participation. Leurs exclamations me vrillaient les tympans,
m’arrachant une grimace.

- Tu ferais mieux d’abandonner, fillette. T’as rien à faire là, ça va mal finir pour toi. Si tu déclares forfait, je te promet de bien te traiter, quand tu me devras une faveur.

Je gardais un visage indifférent à l’intention de la tirade de mon adversaire. Son air pervers en aurait dégoûtée plus d’une, mais je ne sourcillais pas. En revanche, je
n’avais aucune idée de ce dont il entendait par devoir une faveur. Je m’installais sur ma Harley et resserrais mon foulard.

- C’est ça cache toi ! J’espère que t’es pas horrible, sinon ça va me refroidir !

Je haussais cette fois-ci les sourcils. La capacité de certains à raconter des
conneries était tout bonnement hallucinante. Mes oreilles commençaient à bourdonner à cause bruit le la foule en délire, aussi sortis-je mon téléphone de ma poche ainsi que mes écouteurs sans fils, plus confortables en conduite. Ignorant royalement mon concurrent qui commençait à s’énerver, je choisis la musique et plaçais les embouts dans mes oreilles, puis plaçais mon téléphone dans le petit filet prévu à cet effet sur l’avant de ma bécane, de façon à ce qu’il ne s’échappe pas et ne se brise en morceaux. Je fermais les yeux un instant, savourant le son qui résonnait contre mes tympans. J’aimais beaucoup cette musique, Midnight city. Un vent imaginaire de liberté me caressa pendant un instant alors que je m’imaginais roulant à toute vitesse sur une route déserte, des bourrasques de vent souhaitant m’arracher de ma Harley. J’ouvris brusquement les yeux et revint sur terre quand mon écouteur gauche s’arracha de mon oreille.

- Tu ferais mieux de ne pas m’ignorer sale conne !

Je fermais les yeux un instant, une vague de colère montant de mes entrailles. Je
me contint, sachant que je ne devais pas le tuer, ce n’était pas ce qui m’avait été
demandé. Je rouvris les yeux et le regardais d’un air menaçant, lui faisant serrer les poing de colère. Par chance, l’arbitre annonça avec enthousiasme que le départ allait être lancé, et je me concentrais sur le circuit devant moi. Je remis mon écouteur et remarquais que le titre avait changé pour Monsters. Je souris avec expectative. C’était parfait.

- Allez !

Je fis vrombir le moteur comme jamais et démarrais en trombe, décollant nettement du sol dan l’élan.

- Et c’est un départ fulgurant de la part des deux adversaires ! Notre roi est
légèrement en avance…

Je n’entendis bientôt plus que la mélodie à mes oreilles. Elle me donnait l’excitation qu’il me fallait en cet instant. Monsters. Je ne pu m’empêcher d’esquisser un sourire sombre, exaltée. L’opposant me dépassait légèrement, ce qui me motivais d’avantage, car il n’était pas en train de gagner. Non, il était la proie, et moi le prédateur. Le virage approcha et j’accélérais, me mettant à sa hauteur. Le chemin n’était pas assez large pour nous laisser passer tout les deux à cette vitesse, il fallait le couper sous peine de finir dans le décor. Ce qui signifiait mourir. Je sentis la panique l’envahir peu à peu. Il fallait faire un choix, ralentir pour que nous puissions passer, ou continuer et accélérer, au risque d’aggraver la situation. Il choisit finalement la deuxième solution, il accéléra, repassant devant moi de justesse. Je tournais de même, ma jambe au ras du sol. La chasse reprenait. J’accélérais de nouveau, ne pouvant nier que l’euphorie prenait possession de moi. Je le rejoignis vite, et continuais d’accélérer à l’approche d’un nouveau virage. Je pouvais entendre le bruit de fond des acclamations de la foule, signe que le circuit se terminait à proximité. Il accéléra de façon à me rattraper. Je sentais sa peur et sa fébrilité, atisées par l’excitation de la course. Pas question de lui laisser le choix cette fois-ci. J’accélérais encore. Il me suivit. A cette allure là, passer le virage relevait du suicide, mais je n’avais aucun doute. Je souris quand il ralentit in extremis, paniqué. Je filais comme le vent, les cheveux volant autour de moi, libre comme l’air, possédée par les tonalité de la musique et grisée par la vitesse. Je ne cessais d’accélérer alors que l’arrivée se rapprochait de plus en plus, distançant nettement le précédent champion qui avait perdu de la vitesse. J’arrivais beaucoup trop vite pour pouvoir m’arrêter sans causer de dommages, mais je n’en avais cure. J’étais dans mon monde, dans un état loin de la réalité. Je ne voulais pas que ça s’arrête. La ligne d’arrivée n’était plus qu’à quelques mètres, et la foule pas beaucoup plus loin. Trop délurés et bourrés, la majorité d’entre eux ne s’en rendirent pas compte. La ligne dépassée, admettant que cela devait prendre fin, je braquais brusquement le guidon, cabrant l’engin abruptement, alors que je m’accrochais à lui pour ne pas passer par dessus. La moto dérapa sur plusieurs mètres à l’horizontale avant de s’immobiliser. Doucement, je remis en place mes cheveux ébouriffés ainsi que le foulard protégeant mon identité. La chanson se termina, alors que les hourra survoltés de la foule me portait en triomphe.

- Et c’est Obsidienne qui passe la ligne d’arrivée en tête ! Obsidienne remporte la dernière course et bat le précédent champion !

La foule se déchaîna, m’acclamant à tout rompre. Elle commença à scander quelque chose.

- Un souhait ? La foule veut que le perdant accorde une faveur au vainqueur !

Je haussais un sourcil intrigué. C’était donc cela. Je retirais mes écouteurs et
récupérais mon téléphone. J’avais fait mon travail, je n’avais que faire du vœux. Je scrutais le public, observant leur volonté. A ce que je pouvais percevoir, je pouvais demander n’importe quoi, et en faire ce que je voulais. On parlait de gangs après
tout. Mes yeux tombèrent sur le jeune homme qui m’avait accueillit. Il me regardait intensément, mais je ne pouvais pas deviner ce qu’il voulait. Il leva sa main gauche de façon à ce que je puisse la voir et pointa son pouce ver la bas, comme le faisait les empereurs romains pour signer l’arrêt de mort des jouteurs d’arène. Je lui répondis d’un signe de tête. J’avais tout compris.

- Votre souhait Obsidienne ?

Je me tournais vers l’arbitre , alors que le public se faisait silencieux, attendant mon verdict.

- Je souhaites qu’il appartienne à Oeil-de-tigre. Il en fera ce qu’il voudra, sans en subir les conséquences, de quelques manières que ce soit.

Je sentis très nettement la haine émaner de mon ancien concurrent, qui nous avait rejoint bien vite après mon arrivée. Je sentis aussi sa peur. Je haussais les épaules. Mon rôle était terminé, j’allais pouvoir rentrer chez moi. J’attrapais le guidon de ma moto et la fis rouler jusqu’à la sortie du rassemblement désordonné. J’enfourchais ma moto et m’apprêtait à partir quand je sentis une présence derrière moi.

- Merci.

Je me retournais mis ne répondis pas, me contentant de l’observer.

- Vous n’avez pas l’air très surprise que je sois le commanditaire.

Je haussais les épaules.

- C’est ma cicatrice qui m’a trahi ?

- C’est un ensemble, je dirais.

Il sourit, ses yeux se mettant à pétiller.

- Je m’appelle Angelo.

Je grimaçais intérieurement.

- Curieux nom.

Il haussa les épaules à son tour.

- Je ne sais pas ce qui est passé par la tête de ma mère le jour de ma naissance.

- Vous m’en direz tant.

- Comment puis-je vous payer ?

J’agitais la main.

- Vous m’avez déjà payée.

- La course ? J‘espère ne plus vous voir dans ce genre de fête, vous avez l’air d’une étudiante.

Je haussais les sourcils. Un gangster au grand cœur.

- Je ne peux rien promettre pour ça. Mais j’espère aussi que nous n’aurons plus à
nous revoir, Oeil-de-tigre.

Nous nous saluons mutuellement, avant que je déguerpisse à grande vitesse.
J’allais de nouveau m’envoler loin, le temps du trajet.

Désastre [New]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant