Jour 4

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Chicago, 1947, Thanksgiving, 15h02

Hier soir, Amanda prit presque la fuite, quittant son propre appartement. Bucky savait que ce serait une mauvaise idée, mais au fond de lui, il avait envie d'aller mieux. Il ne pensait pas que cela impacterait autant la jeune femme. Il l'avait suivie discrètement dans la rue pour s'assurer qu'il ne lui arrive rien. Elle était rentrée sur les coups de deux heures du matin et Bucky avait attendu quelques minutes avant de rentrer à son tour. Néanmoins, depuis ce matin, rien du tout. Le calme plat. Elle n'avait pas voulu être accompagnée au travail et n'avait même pas prit le temps de lui accorder un signe de tête. Alors, toute la matinée, Bucky était resté avachi dans le canapé, se maudissant de ne pas avoir pris plus de distances avec elle. Il n'avait d'ailleurs toujours pas de piste qui le mènerait à son assassin, il n'avait pas eu le temps d'aborder le sujet avec Amanda hier soir. Sa langue tiqua. Quelle perte de temps et d'énergie. Il en venait presque à regretter d'avoir accepté cette mission.

Néanmoins, il devait faire en sorte de pouvoir ravoir sa confiance de sorte à mieux la protéger lorsque le drame se produira. Jusque-là, il lui avait laissé beaucoup trop de liberté et c'était une prise de risque beaucoup trop importante qu'il ne pouvait plus se permettre. Et bien que cela lui coûtait, Bucky se résolut à se rendre à cette fameuse soirée dans le café qu'elle fréquente. Alors le soir même, Bucky revêtit son costume de sergent, coiffa impeccablement ses cheveux et déposa son képi kaki sur sa tête. Il rajusta sa cravate et se racla la gorge. Qui l'eût cru, James Barnes angoissé à l'idée de se rendre à une soirée en compagnie d'une femme. Un sourire moqueur étira ses lèvres. Impossible de savoir s'il se moquait de lui-même ou de la situation, mais vu de l'extérieur, ses mains tremblaient et il était pâle comme un linge.

Il partit sur les coups de vingt heures. Ce n'était ni trop tôt ni trop tard et à cette heure, il était persuadé qu'Amanda était déjà arrivée. L'air dehors était frais, le ciel était clair malgré l'heure tardive ce qui annonçait de la neige dans la soirée. Il faisait néanmoins sec, et d'épais panaches blancs s'échappaient de la bouche des passants. Bucky réajusta le col de sa veste pour se protéger du froid et fonça, les mains dans les poches, jusqu'au café où se tenait la soirée. Depuis le bout de la rue, il pouvait déjà entendre la musique résonner. Des gens rentraient et sortaient, dansaient et buvaient. La musique était bonne enfant et tout le monde semblait prendre du bon temps. Lorsqu'il mit enfin un pied dans le café, malgré la cohue, il reconnut cette longue chevelure ondulée couleur chocolat qui faisait chavirer les cœurs. Bucky bouscula quelques personnes, tentant de se frayer un chemin et finit par atteindre le bar. Amanda tourna automatiquement la tête.

-Bucky... je ne pensais pas vous voir...
-Vous aviez insisté pour que je vienne... vous avez sans doute des questions à me poser.
-Je savais pertinemment que vous n'étiez pas un voisin lambda et que vous aviez été engagé pour me surveiller. Pourtant, jamais je n'aurais cru que vous soyez venu tout droit du futur, lança-t-elle presque sur un ton de reproche.
-Je ne comprends pas pourquoi tu parais agacée et pourquoi tu as fui. Je ne me suis pas enfui quand tu m'as parlé de ton pouvoir, fit Bucky avec une soudaine familiarité.
-Je n'ai pas pris mes distances en rapport avec votre... âge ? Je sais que vous êtes un super-soldat et je sais que les atrocités et le bras de métal que vous avez sont les causes de ce sérum... sont ma faute. Je m'en veux de ce qu'il vous est arrivé. Sans ce sérum, vous ne seriez pas obligé de subir tant de traumas.
-Sans le sérum, nous ne serions pas en mesure de discuter aujourd'hui.

Amanda osa tout de même un sourire tandis qu'un air de Dream A Little Dream Of Me de Doris Day s'élevait dans le café. Bucky lui tendit alors la main et lui fit un signe de tête pour l'inviter à danser. Il était nerveux, il n'avait plus l'habitude de ce genre de choses. Amanda posa un regard intrigué sur lui et posa sa main dans la sienne avec une certaine hésitation. À Londres, ce n'est pas comme ça que l'on invite une femme à danser. Bucky la guida alors sur la piste où, déjà, tous les couples étaient en train de danser amoureusement collé l'un à l'autre. Toujours sa main dans la sienne, Bucky glissa sa main sur la hanche d'Amanda et ouvrit la danse. Elle semblait si petite contre lui, ses cheveux bruns dégageaient une agréable odeur d'amande mélangée au parfum vanillé qu'elle portait. Elle était habillée d'une très jolie robe en flanelle vert émeraude, rehaussé d'une lavallière en soie blanche.

-Tu me marches sur les pieds, sourit Bucky.
-Je n'ai jamais su danser, ricana Amanda, dites-moi, d'où venez-vous, Bucky ?
-Brooklyn.
-Brooklyn de quelle année ?
-2023, mais je suis originaire du Brooklyn de 1944.
-C'est comment le 21ᵉ siècle ?
-Surprenant... Différent...
-Vous croyez que l'on s'est déjà croisé en 2023 ? Je dois être une très très vieille dame, rit-elle. 99 ans, si j'ai bien compté. Ou alors, je suis morte depuis longtemps !

Bucky pinça les lèvres en détournant le regard, ce qui interloqua la jeune femme qui s'arrêta de danser.

-Vous pouvez me le dire, vous savez. Si à 99 ans, je suis toujours vivante, c'est un miracle. Dans ma famille, on ne franchit pas le cap des 30 ans en général.
-Vraiment ? demanda Bucky avec surprise.
-Eh bien... Ce don dont je vous ai parlé, il est héréditaire. Malheureusement très peu accepté. Mes parents se sont fait tuer à cause de ça et j'imagine que c'est la raison pour laquelle vous êtes ici. Quelqu'un me veut du mal.
-C'est plus compliqué que ça...
-Je veux connaitre la vérité, Bucky.

Tandis que la musique peu à peu s'atténuait pour en laisser une autre résonner, Bucky souffla et poussa gentiment Amanda dans un coin pour l'inviter à s'asseoir. Il se frotta le visage, croisa ses doigts sur la table en regardant la jeune femme dans les yeux et les détourna immédiatement après. Lui révéler la vérité lui était impossible. Mais, pour quelle raison ? Avait-il peur de compromettre la mission ou n'avait-il pas envie qu'elle sache ce qui devait lui arriver ? Le regard insistant d'Amanda se faisait de plus en plus lourd. Elle déposa une main sur la sienne et lui accorda un regard doux et déterminé. Bucky prit alors une grande inspiration et se racla la gorge.

-Si je suis ici, c'est pour te protéger.
-Je suis au courant de ça, mais je veux savoir ce qui va m'arriver.
-Aujourd'hui... Je ne sais pas quand, ni par qui... mais tu vas être assassinée. Tu n'as pas besoin de savoir comment.
-Mince... J'aurais tenu beaucoup moins longtemps que mes parents, rit-elle faussement.

Ce sourire de façade qu'elle affichait, Bucky parvenait à lire à travers. Ses mains tremblantes et son teint blafard ne parvenaient pas à cacher sa peur et son angoisse, mais surtout le choque que ce fut d'apprendre la nouvelle.

-Je ne laisserai pas un telle chose se produire, assura Bucky.
-On ne va pas à l'encontre de son destin, statua-t-elle.
-Amanda tu...
-Venez, retournons, danser !

Amanda le tira par le bras et l'entraîna au centre de la pièce pour reprendre leur slow. Cependant, à mesure que les minutes s'écoulait, Bucky angoissait. C'était le jour fatidique et l'idée de rester dehors le mettait de plus en plus dans un état de stress.

-Amanda, rentrons.
-Si c'est ma dernière journée, j'aimerais en profiter.
-Ce n'est pas ta dernière journée ! Allez, s'il te plait, prend ton manteau, on rentre.
-D'accord.

One Week - James « Bucky » BarnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant