Captive {Loki}

Chapitre 9

Loki

Loki s'était couché épuisé, et il se réveillait encore fatigué. Il avait le sommeil léger, et les bruits de sa nouvelle colocataire l'avait réveillé à plusieurs reprises dans la nuit. Non qu'il puisse vraiment l'en blâmer, il avait bien senti qu'elle avait fait de son mieux, mais sa condition compliquait beaucoup les moindres manœuvres.

Il aurait bien trainé au lit ce matin, dormis plus qu'à l'accoutumée, mais les allées et venues incessantes de son serviteur eurent raisons de son sommeil et il se résolu à se redresser. Son regard se posa naturellement sur sa prisonnière, qui tentait tant bien que mal de s'étirer en silence. Il imaginait sans peine le supplice que cette position faisait vivre à son corps.

— Bon matin ! salua Daenel en le voyant réveillé.

L'elfe tourna des yeux fatigués vers lui. Elle le foudroya du regard une nouvelle fois, et il se demanda à quoi elle ressemblait lorsqu'elle souriait. Elle détourna les yeux lorsqu'il se leva, nu comme au premier jour. Elle ne rougit pas cependant. En fait, elle n'avait pas l'air gênée par sa nudité, elle n'avait d'ailleurs pas hésité à le reluquer la veille.

— Quelles sont les nouvelles ? s'enquit Loki tandis qu'il s'habillait.

— Les gardes n'ont toujours pas trouvé le responsable du meurtre d' Úlfr.

L'intendant. Loki n'avait aucune envie de fourrer son nez dans cette affaire, mais si cela trainait, il n'aurait plus le choix. Il ne pouvait laisser ce meurtre impuni, quelle image cela laisserait de la justice asgardienne ?

— Sa remplaçante, Halldóra, s'est lancée sur une nouvelle piste. Une esclave qui aurait déserté son poste hier après-midi...

A ces mots, leurs regards se tournèrent naturellement vers la prisonnière. Loki sourit tandis qu'elle les ignorait royalement.

— Elle aurait également agressé un autre asgardien. Ils n'ont aucune idée d'où elle se trouve à l'heure actuelle, conclut-il.

— Tu as son nom ?

Le regard de la jeune femme se planta immédiatement dans le sien, avant de ricocher dans celui de son serviteur.

— Non... mais je peux demander.

Loki s'avança vers l'elfe et posa un genou à terre pour se hisser à sa hauteur.

— Dernière chance pour négocier quelque chose en échange de ton prénom.

Elle serra les dents, mais sembla réfléchir. Elle posa les yeux sur son petit-déjeuner, encore intact, étalé sur la table à manger.

— Je veux gouter les fruits que vous m'avez montré hier.

Elle avait capitulé. Il sourire satisfait, qu'elle détesta immédiatement, étira les lèvres de Loki. Il se redressa, attrapa une poignée de fruits au hasard et lui tendit. Il y avait du raisin, de la gagashe et des urulas. Elle les prit dans ses mains et les examina. Loki attendit patiemment qu'elle en porte un à ses lèvres et goute. Elle grimaça, probablement de l'acidité de l'urula, mais sembla apprécier puisqu'elle en mangea un deuxième dans la foulée.

— Erika, lâcha-t-elle finalement avant de s'attaquer au raisin.

Une vague de satisfaction envahis Loki.

— Enchanté, Erika.

Elle l'ignora, poursuivant sa découverte gustative. Elle afficha une moue déçue au goût peu prononcé du fruit.

— Arrêtez de me fixer. C'est flippant.

Loki rit et s'installa à table pour manger à son tour. Lorsqu'elle eut terminé, il lui tendit son verre d'eau. Elle le regarda de travers, mais renonça à toute forme de rébellion. Elle saisit le verre et but la totalité de son contenu avant de lui rendre.

— Penses-tu que l'intendant méritait de mourir ? interrogea Loki.

Elle s'immobilisa, lui jetant un regard inquiet.

— Je ne te demande pas si c'est de ta main que tu l'as fait, précisa-t-il.

— Je pense que tous les asgardiens sur Alfheim méritent d'être punis pour ce qu'ils font subir à mon peuple.

— Jusqu'à la mort ?

— Pas tous. Certains sont moins monstrueux que d'autres.

Elle lui jeta un regard entendu qui le fit rire.

— Qu'ai-je bien pu faire pour m'attirer les foudres d'une elfe que je n'ai jamais vu de ma vie ?

— Vous êtes à la tête d'eux tous. Vous êtes responsables de tous les crimes qu'ils commettent.

— J'ai beau maitriser la magie, je ne peux pas contrôler tous les asgardiens.

— En ne les punissant pas, vous les encouragez. Pour moi, vous êtes tout autant coupables qu'eux.

Il soupira.

— Je comprends que l'esclavagisme soit favorable à une partie plus qu'à l'autre...

Elle leva les yeux au ciel, agacée.

— ... mais vous ne voyez pas le potentiel de votre propre économie. Les asgardiens vous ont amené l'ordre, la technologie, l'argent, du travail.

— Surtout de la violence, cracha-t-elle.

Il fronça les sourcils. Il voulut l'interroger mais il n'en eut pas le temps.

— Avant que vous n'arriviez, nous vivions en paix. Vous devriez avoir honte de vous, plutôt que de vous pavaner comme un roi. Vous ne vous contentez pas juste de nous utiliser honteusement, vous nous battez, vous nous violez, vous nous tuez ! S'écria-t-elle, rouge de colère.

Il pouvait lire la douleur dans ses yeux et l'entendre dans sa voix. Elle ne mentait pas. Elle voulut se lever pour s'approcher de lui, mais fut retenue par les chaines, ce qui l'énerva encore plus.

— La loi...

Elle eut un rire ironique.

— Parce que vous pensez sincèrement qu'elle est respectée, cette loi ?

Oui. Il y croyait. Ou il y avait cru, en tout cas. Maintenant, il avait un doute. Il garda le silence, jeta un œil à son serviteur qui haussa les épaules, pas plus informé que lui.

— Qu'avait fait l'intendant pour mériter la mort ? interrogea-t-il d'une voix très calme.

Elle sembla reprendre contenance.

— Dix coups de fouet.

Sa voix s'enroua et elle ferma les yeux quelques secondes avant de continuer. Loki fronça les sourcils. Quoique ce soit, ça ne ressemblait en rien aux lois qu'il avait édicté.

— C'est ce qui attend tous ceux qui désertent. Pour ceux qui refusent d'accomplir la tâche qui leur a été attribuée, c'est des coups de bâtons. Et ils n'en ont rien à foutre qu'on soit fatigué, malade ou blessé.

Les elfes étaient un peuple faible et docile. A aucun moment ils n'avaient vraiment eu besoin de violence pour les soumettre. La mâchoire de Loki se contracta sous la colère.

— Personne n'en a jamais parlé mais je le soupçonne également d'avoir violé plusieurs elfes. D'autres ne se sont pas gênés, et juste parce qu'ils en avaient envie et qu'ils le pouvaient.

Loki échangea un regard avec son serviteur. Si ce qu'elle disait était vrai, il avait grandement manqué à son devoir de souverain. Sans finir son petit-déjeuner, il se redressa de sa chaise avec violence, la faisant tomber au sol.

— Daerel, annule tout ce que j'avais de prévu aujourd'hui. Pour la remercier de son honnêteté, offre-lui les restes de mon repas.

Sur ces mots, il quitta la pièce précipitamment. Il avait beaucoup à faire aujourd'hui.