Chapitre 1

293 20 2
                                    

Erika

Un nouveau coup de fouet retentit, rapidement suivi d'un cri. Erika, contrairement à la plupart de ses congénères, ne réussit pas à détourner son regard de l'abomination qui se passait sous ses yeux. Au cœur d'Ailmore, capitale du canton, Aeris Den'tewa recevait sa punition. Le bourreau assenait coup sur coup sans lui laisser le temps de reprendre son souffle.

— Sept, souffla Aeris entre ses dents.

— Plus fort, ou c'est deux de plus ! sermonna l'intendant.

Le jeune homme prit une douloureuse inspiration et répéta juste assez fort pour que toute la place entende. L'ensemble des esclaves de la ville avaient été rassemblés pour l'occasion, et quelques asgardiens s'étaient joints à eux pour assister à l'évènement.

Le sang d'Erika bouillait dans ses veines. Aeris était son ami, et sa punition était disproportionnée. Il n'était parti que pour soulager sa vessie, délaissant son poste à peine quelques minutes. Il aurait dû en informer l'intendant, mais il avait jugé que cela lui prendrait trop de temps et il craignait de ne pas avoir le temps de terminer ses tâches avant l'heure de fermeture du chantier.

L'intendant en avait été informé – probablement par un autre esclave avide de la récompense qu'une délation promettait – et avait lancé les gardes à sa poursuite. Ils s'étaient jetés sur lui et l'avaient roué de coups de bâton pour le maîtriser, avant de le trainer jusqu'à la place principale de la ville. Cela faisait plusieurs semaines qu'aucun esclave n'avait transgressé les règles, et les asgardiens voulaient s'assurer de faire de lui un exemple. Ils avaient besoin de faire un rappel régulièrement, comme si les esclaves étaient trop stupides pour oublier au bout de six mois...

La justice d'Aen De'tla n'était peut-être pas la plus dure des cantons, mais le Seigneur Loki était connu pour se montrer impitoyable. Cela dit, il se montrait rarement en dehors du château, se contentant d'édicter les lois. Il laissait aux autres le soin de s'assurer que chaque elfe du canton les respecte. Erika se souvenait de l'invasion d'Asgard comme si c'était hier, pourtant, plus de dix ans étaient passés. Alfheim était la planète des elfes dont Erika et Aeris faisaient partie, peuple pacifiste qui n'avait jamais attiré l'attention des neuf royaumes sur lui. Tout ce qu'ils avaient toujours voulu, c'était la paix. Tout avait basculé lorsqu'une asgardienne avait établi un système marchand entre les pays, et que la popularité de certaines ressources d'Alfheim avait explosé. Loin d'être avides d'argent, les elfes ne procuraient pas assez pour répondre à la demande croissante. Quelques Seigneurs d'Asgard avaient ainsi décidé de prendre les choses en main, persuadés d'avoir trouvé la poule aux œufs d'or.

— Huit, geignit Aeris, avant d'enchainer rapidement, neuf.

Il était en sueur, le dos en sang. Tout son corps tremblait, et ce n'est que lorsque le dernier coup de fouet s'abattit sur son dos qu'il s'autorisa à tomber à terre, ayant à peine la force d'énoncer son « dix ». Habituée, Erika savait que c'était le moment pour aller l'aider. Elle se précipita vers le cœur de la place, bousculant tous ceux qui se trouvaient sur son chemin, jusqu'à l'atteindre.

— Aeris ! s'écria-t-elle, passant ses doigts sur son visage trempé.

Il était brulant et répondit à peine. Un autre ami du jeune homme débarqua, et à eux deux, ils l'emmenèrent vers le quartier des esclaves. Ils eurent le droit à quelques œillades dégoutées sur le chemin, sans y prêter attention. Les asgardiens étaient responsables de cette boucherie. S'ils n'en aimaient pas la vue, qu'ils la cessent.

— On l'emmène dans sa chambre, annonça Twaïn en prenant le chemin vers le bâtiment nord.

Erika se laissa guider, n'y étant jamais allée là-bas. Monter les marches jusqu'au troisième étage fut le plus laborieux. Aeris était grand, même pour un elfe, et large. Twaïn peinait à le soutenir. Le pauvre était maigre, son manque de force lui évitait les travaux les plus pénibles.

Captive {Loki}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant