Chapitre 13

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Deux heures après avoir commencé son travail, Éléna retrouva Jo' au bar afin de lui poser LA question qui lui brûlait les lèvres et dont elle espérait de tout cœur que la réponse soit oui.

— Les clients qui ont réservé le salon noir sont-ils arrivés ?

Suspendue aux lèvres de son ami, Éléna avait le cœur qui battait la chamade. Elle priait en son for intérieur afin que cela soit le cas, qu'IL soit là. Ainsi, elle pourra retrouver l'homme pour qui son corps tout entier vibrait.

— Non, ma belle. Je n'ai vu personne. Ils ne sont pas encore arrivés.

— Tu sais s'ils viennent ce soir ? se renseigna la blonde en cachant au mieux sa déception.

Éléna était un livre ouvert et on pouvait facilement lire en elle. Il lui était impossible de sourire quand elle était triste ou de feindre la colère lorsqu'elle voulait rire.

La réponse de Jo' tomba tel un couperet.

— Non. Ils ne viennent pas tout le temps, tu sais. Si je les vois, je te le dirais, ne t'inquiète pas.

— Kira n'est pas revenue ?

— Non plus et même si elle était là, c'est toi qui les servirais. Ne t'inquiète pas ! Ils viendront peut-être ! Tu peux apporter cette enveloppe à Karp, s'il te plaît ? Je ne peux pas m'absenter du bar, j'ai beaucoup de commandes ! Elles pleuvent toutes en même temps ! Si le boss n'a pas son fric toutes les heures, il va hurler et me casser les bonbons. C'est mon premier relevé de caisse de la soirée.

— Oui, bien sûr. Donne-la-moi.

Le barman tendit la lourde enveloppe à sa collègue en la remerciant. Cette dernière se rendit à l'étage l'estomac noué.

Les clients avaient l'habitude de toujours payer en liquide. La plupart des billets provenaient de recettes illicites, d'où l'importance de les écouler rapidement dans l'un des seuls lieux de Moscou où il était possible de le faire et où le patron n'était pas regardant sur leur provenance, le Dolls' Club. Karp demandait ensuite à Mark de l'aider à blanchir cet argent. C'était leur combine à tous les deux ; l'avocat aidait le gérant à blanchir son argent par le biais de ses clients aguerris à l'exercice et Karp reversait 30 % à Mark. Tout le monde y trouvait son compte.

Ce dernier avait instauré une règle d'or pour les barmans, un impératif qu'ils devaient suivre à la lettre sous peine de renvoi et d'une punition expéditive dans l'arrière-cour ; ils avaient l'obligation de procéder à un relevé de caisse toutes les heures. Il s'agissait d'un moyen de sécurité pour Karp. En cas de braquage, il s'assurait que le minimum de liquide se trouve dans les caisses.

Arrivée derrière la porte du bureau de son patron, la jeune femme frappa timidement contre celle-ci. Elle redoutait le face-à-face avec le gérant. Elle franchit le seuil avec la trouille au ventre et se sentit aussitôt mal à l'aise. L'atmosphère malsaine était lourde et pesante. Pour la première fois depuis qu'elle travaillait au Doll's Club, Éléna n'était pas rassurée de se trouver dans la même pièce que son employeur. Les menaces de Karp de la veille tournaient en boucle dans sa tête.

— Tu es contente ? lui lança-t-il sur un ton dédaigneux, méprisant, lorsque son employée posa la précieuse enveloppe qui contenait l'argent sur son bureau.

— Contente de quoi, Karp ?

— Que ton amant soit revenu te voir, ce soir.

— Il n'est pas mon amant et il n'est pas venu pour me voir. S'il vient, c'est pour passer la soirée avec ses collègues. Tu devrais être content qu'il ait choisi ton club pour dépenser son argent. À ce que je sache, il paye beaucoup.

MafiyaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant