Névrose

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Le 3 Décembre 2020, il est tard, le froid mord les arbres et les feuilles, le givre se répand déjà sur le sol et les décorations de noël arpentent la ville comme une traînée de poussière.

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-Je sais déjà que je vais avoir envie de me tuer parce que j'suis en train de te laisser ce message et que je vais le regretter, mais comme d'habitude, je prends pas mes précautions. Si tu te demandes pourquoi je reviens te casser les couilles, j'en sais rien. J'ai passé les quelques derniers mois à me poser la question. Mais j'arrive pas à... à arrêter ça. T'es sûrement déjà largement passé à autre chose, tu vis sûrement mieux depuis. J'en sais rien. J'avais tellement de choses à dire, tellement de questions à poser, que maintenant... j'ai plus envie de parler de grand chose. Je crois que je voulais juste entendre ta voix. Parce que ça me manque. Je m'en veux de pas avoir été plus patiente, et je t'en veux de pas avoir fait les choses autrement, différemment. Je me doutais bien qu'on allait pas rester ensemble toute notre vie, quelle est la probabilité que ça arrive alors qu'on est encore si jeunes ? Proche de zéro. Mais c'est pas une raison pour pas vivre et aimer, au contraire. Mais je me suis toujours dit que quand ça arriverait, je serais prête, quand ça arriverait, je l'aurais senti venir. Quand ça arriverait, je n'aurais pas de regret, de rancœur, et qu'on se quitterait de la manière la plus calme et douce qui soit. Encore une fois, j'avais faux sur toute la ligne. Bien sûr, j'ai été très égoïste de pas avoir vu ce que tu pouvais penser ou ressentir, j'ai rien vu, comme un aveugle alors que c'était là, gros comme un immeuble. Je crois que je me sens usée de devoir soudainement arrêté de vous aimer. A chaque fois. Je vous aime du mieux que je peux, je te promets que je vous donne tout. Alors pourquoi est-ce que ça foire toujours comme ça ? Est-ce que j'en fais trop ? Et ça sert à rien de me dire "c'est pas toi, c'est moi". T'avais peur de m'en parler ? Peur de me blesser ? Peur de comprendre ce que ça voulait dire ? Est-ce que quand je partais, tu te sentais soulagé ? Est-ce que quand je blaguais, tu te disais intérieurement que c'était vraiment nul ? Est-ce que c'était si pourri que ça ? Au point que ça en vaille même pas la peine que tu me répondes ? Est-ce que t'as lu mon message qui disait que c'était fini ? Qu'est-ce que t'as ressenti en le lisant ? Du soulagement ? De la tristesse ? Des remords ? Est-ce que ça t'a fait pleurer toute la soirée? Est-ce que ça t'a empêché de dormir, empêché de t'aimer, empêché de te respecter en comblant le vide avec du vide ? Est-ce que t'as ressenti, entendu la douleur de ton cœur qui se déchirait ? Est-ce que t'a prié pour que ça s'arrête ?

Tout ça, ça avait l'air trop abstrait, mon fou rire faisait echo dans le salon et je reprenais mon souffle, trop flou pour être réel, mais la douleur, elle, était bien réelle et elle persiste chaque jour dans mon sein gauche. Chaque jour, elle pulse dans mes veines et se condense en quelque chose de plus fin qui s'immisce dans ma peau, jusqu'au bout de mes orteils et ça réveille des instincts sombres en moi. Des instincts frustrés, refoulés, qui ont soif de ma haine et ma douleur et qui s'en nourrissent jusqu'à ce qu'il ne reste plus que le vide au fond de mes pupilles.

Mais tout ça, c'est pas important. C'est pas important parce que quand je me tiens droite devant le miroir, je ne vois rien. J'suis pourrie de l'intérieur, et c'est pas vos sentiments qui changeront ça ! Un sanglot m'échappa. C'est ça qui vous fait fuir ? C'est parce que vous le sentez ?

Peu importe. Ce qui importe, c'est qu'un jour, tu me reviendras de plein droit parce que tu réaliseras que j'suis la seule à pouvoir t'aimer comme ça !

bip bip bip bip....

Névrose c'est pas juste les blessures de relations amoureuses blessantes, ou de relations toxiques. Névrose ça tourne autour de la vie. Y'a pas forcément besoin de se faire plaquer, ou de perdre un proche pour se sentir triste, vide, mort à l'intérieur. Parfois, c'est parce que le poids de nos erreurs est trop lourd à porter, parfois c'est parce que le poids de la vie est trop lourd à porter. Ce que je veux dire, c'est qu'on est tous envie, alors aujourd'hui ça paraît évident en "société" de vivre, de trouver un but dans sa vie. On se questionne plus vraiment là-dessus. La grande partie de ça est déjà tracée par nos parents, ce qu'on nous a inculqué. Faire des études, travailler, fonder une famille. Et fin.

Mais quand on comprend pas qui on est, comment on se sent ? Comment on se trouve ? Comment est-ce qu'on essaie de se comprendre ? On finit par se perdre dans nous-même, on se noie. On se noie pour ce qui a l'air d'être pas grand chose, quelque chose de trop petit pour s'arrêter dessus.

Et si on s'arrêtait un peu dessus, ensemble ?

Qu'est-ce que vous supportez chaque jour, pour vivre ?

It's all in your heads.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant