« Saigne pour enchanter le public »
Quatre jours plus tard, je gagnai silencieusement le théâtre à ciel ouvert qui accueillerait la nouvelle performance de Jhin. Le soleil déclinait sur le lieu déserté de civilisation à l'orée d'une forêt. Il faisait tiède et les feuilles brunies par l'automne s'échouaient sur un tapis aux nuances jaunes orangées. Camouflé par la végétation, un camp de fortune formé de toiles de tissu usé et de branchages servait d'abri à quelques hommes et femmes piètrement vêtus.
Je m'avisai de prendre place suffisamment loin, sur une large racine qui serpentait hors de l'humus. Toujours invisible, je m'y assis, trouvai une position assez confortable pour me tenir parfaitement immobile et patientai en silence.
En fermant les yeux, je sentis le vent tourner, la température chuter légèrement. L'atmosphère se faisait paisible, et à mesure que la lune s'élevait dans le ciel obscur, mon cœur s'agitait. Attentive, je perçu bientôt la mesure de son pas approcher. Mon cœur tambourina mais je m'efforçai de rester absolument imperceptible, réduisant le rythme de ma respiration. Je l'observai s'avancer, s'arrêter à cinq ou six mètres de la tente et s'immobiliser lentement. Il sembla tendre l'oreille un instant et je suivis des yeux sa main glisser sur son arme. Lorsqu'il la chargea, le cliquetis tinta quatre fois assez bruyamment pour faire sortir un habitant alerte de la petite habitation.
UN. Le premier coup de feu déchira le silence dans une détonation assourdissante. Je frémis. La cible, un jeune homme blond, s'agenouilla, le bras en lambeaux de chair émaillés de dentelles scintillantes. Une dague éventra la toile de la tente à l'opposé de la sortie.
DEUX. Le second coup lui arracha la mâchoire et de sa chair s'ouvrit la fleur de Lotus aux nuances d'or et de bleu. Il s'effondra. Je frémis. Un à un, les habitants fuyaient par l'ouverture béante à l'arrière, s'égaillent et crient dans la panique.
TROIS. Une femme s'affala au pied de la cabane avant même de l'avoir totalement quitté. Sa chair se releva dans de grande tiges qui bourgeonnèrent de fleurs carmin. Alors que tous avaient détalés, un dernier homme avait poussé un hurlement infernal avant d'enjamber le corps inanimé pour s'extraire de son habitat. Il décampa à toutes jambes dans ma direction. Dans un reflexe, je me redressai et m'esquivai au dernier moment.
QUATRE.
La balle avait traversé le dos du garçon qui s'effondra à coté de moi. Les yeux rivés sur la fleur de lotus aux milles couleurs qui s'exhibait de sa chair, je me surprenais à l'envier. La quatrième balle offrait toujours la plus exquise des compositions. Accueillir une balle comme celle-ci était un honneur. Cette simple idée m'étourdit. J'aurais pu me demander quelle folie m'habitait de me délecter ainsi de ce sinistre mais ô combien sublime spectacle. Pourtant, de tout mon corps, de toute mon âme, je vibrais.
Jhin se retira avec calme et élégance, sans me percevoir cette fois-ci. Et je rentrai chez moi le cœur à vif, chargé d'émotions à déverser sur mes toiles.
๑๑இ๑๑இ๑๑இ๑๑இ๑๑
Une profonde métamorphose s'opérait en moi à chaque coup de pinceau. Et alors que j'observais un instant dans quel sens étaler les couleurs, quelque chose d'inattendu émergea. Je réalisai que la peinture se déplaçait seules au gré de mes pensées, sans même que je n'y touche. Je découvrais, émerveillée, ce nouveau don invraisemblable. La peinture se cristallisait à ma simple volonté, ajoutant du relief et de la profondeur à mon œuvre. Je sentais les fluides s'agiter et glisser sous mes ordres pour s'agencer au gré de mon inspiration. Sensationnel.
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L'art mérite que l'on souffre [ Jhin • League Of Legends ] (Terminée)
HorrorUne paix fragile règne sur la région ouest de Zhyun à Ionia. Dans ses contrées reculées, une jeune peintre que la vie a dévasté se confronte au vide abyssal de son inspiration. Sur sa toile, ses médiocres ébauches n'ont d'égal que la fadeur de son â...