Les rats apeurés

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On dit que les rats quittent le navire dès qu'il commence à prendre l'eau, c'est faux ! Ils rongent la coque tant qu'on n'a pas les poux noyés, puis, ils accusent le mousse !

Je ne suis pas le mousse, mais en marchant sur le pont, j'aime à parler avec, et même, parfois, passer moi-même la serpillière, en souvenir du bon vieux temps...

Non, moi, je suis le con qui voit arriver l'iceberg, qui l'annonce, qui sonne la cloche, et qui entend le capitaine lui répondre que ça va bien se passer...

Les rats apeurés se cachent pour mourir, le capitaine prend tous les canots de sauvetage pour lui seul, et les matelots se tournent vers moi avec le regard vide...

Alors on écope, à l'éponge s'il le faut... Le navire ne coule jamais vraiment, il est insubmersible...

Enfin, on disait ça du Titanic aussi !

Les décisions du capitaine sont impossible à remettre en question. Sa parole est d'évangile, son aura intouchable, merde, c'est un micro-prophète...

Le dirlo, chez nous, c'est un mec (évidemment), une fausse humilité qu'il brandit en bouclier, une incompréhension du monde, une douceur de façade qui contraste avec son agilité au bâton. En arrivant dans la boîte, j'étais surpris par la douceur du bonhomme. On aurait presque dit un enfant. J'ai toujours préféré les gens fragiles, un peu fêlés, abimés par la vie, aux arrivistes en costards persuadés d'avoir inventé le monde. On ira tous mourir, on finira tous oubliés, même la postérité a ses limites. On se persuade d'avoir une importance, on se gonfle d'orgueil dès que l'on a réussi le moindre truc. On est importants, on fait des trucs de grands... 

J'ai toujours soupçonné ces gens de n'avoir jamais vraiment grandi, et du coup, de craindre qu'on les révèle comme des enfants. Alors ils s'en défendent. 

C'est con un adulte, ça a peur d'être un enfant !

Parfois, quand j'ai besoin d'amusement, ma petite voix me propose un jeu. Elle sélectionne quelqu'un, en général, un petit chef, un type imbu de lui-même, un imbécile prétentieux, et elle me lance des défis...
Ce sont toujours des choses simples : réussir à lui faire prononcer quelques mots très spécifiques, à lui faire faire une action particulière...
J'ai alors le sentiment de poser des souricieres, méthodiquement, sélectionnant mes bouts de fromage...
Ça m'amuse...

Mais je ne me leurre pas, je sais bien que moi aussi, je suis dans le labyrinthe...

En trouverai je jamais la sortie ?

Y a t'il seulement une sortie ?

journal d'un burn-outOù les histoires vivent. Découvrez maintenant