journal d'un burn-out

Dans un LinkedIn géant

Ma vie est un cross-over de Squid game et de LinkedIn !
Un battle royale dont les armes sont des pipes pour du pain, du "j'aime ma boîte", du "happiness management" au café gratuit, de la réunion d'imbéciles aux blagues de petit-chef auxquelles tout le monde rit, y compris moi...
Mais la bile me ronge... Entre 2 sourires, je les imagine parfois au milieu d'une apocalypse biblique, la terre s'ouvrant en deux telle une bouche ardente et tremblant pour les engloutir... J'imagine ces chimpanzés tout en coiffure et en soupirs de tant de responsabilités griffer le sol, les manucures sanglantes, les hurlements et les suppliques, et alors, je leur souris de toute mon hypocrisie.
Étrangement, c'est là qu'ils me sourient le plus ardemment, comme s'ils m'aimaient... Moi, je continue de les préférer en loques et en cloques... L'image reste un peu, je les trouve beau, et mon sourire devient sincère...

Le monde est une success story... Les gens se battent pour proposer une super idée, qui les fera bosser un peu plus dur, qu'ils pourront partager à la cantine. Un plan stratégique pour se faire nommer "pilote" sur un projet quelconque. Ce sera forcément "vachement intéressant" pour une boîte avec "tellement de potentiel".
J'acquiescerai entre deux bouchées de haricots surgelés.

Le zèle est une escroquerie, une arnaque montée par des patrons, par une société qui récompense les imbéciles dociles... Je me souviens m'y être laissé prendre, dans une autre vie...
Je pensais alors que concourir ostensiblement à la réussite du boss allait propulser ma carrière... C'est con, hein ?

Aujourd'hui, je vis dans un monde de chiffres, de tableaux, dont je me fous éperdument. Chaque nouveau petit costard arrive avec une méthode révolutionnaire, il l'a apprise dans une école privée, chère, en a composé des slides, c'est beau comme la jeunesse, froid comme un lit vide, ça envoie de la stratégie, ça vend du rêve...

Le truc, c'est que nos boulots ne servent plus à rien... Je diffuse les ambitions des patrons, je valide des banalités en les enrobant de magie à la Disney... On claque des sommes incroyables dans l'exécution d'audits absurdes, qui eux même ont déjà coûté un œil !
Il paraît qu'il faut avancer vers l'avenir, tu parles d'une connerie !

Et comme sur LinkedIn, les serviles applaudissent, acclament, partagent ! Après tout, tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute, disait La Fontaine !

Le jour où tout s'effondrera, j'aurais au moins le plaisir de voir enfin finir cette absurdité !

Si j'ai pu précipiter la chute, mon bonheur sera complet !