Chapitre 1 - Journée presque ordinaire

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Kyle attendait Corely en bas de l'immeuble qui abritait les bureaux secrets des pilleurs de tombes. Celle-ci ne tarda pas à arriver et les deux amis se mirent en direction d'un restaurant-bar que Corely ne connaissait pas encore.

- Ils font de très bonnes soupes là-bas, expliqua Kyle. Et des sandwichs. En fait, tout est bon là-bas...

- Et comment tu l'as découvert ? demanda la jeune femme.

- Euh... quelqu'un m'avait donné rendez-vous là-bas.

Corely plissa les yeux en scrutant le jeune homme aux cheveux blonds bouclés, puis un sourire moqueur se dessina sur son visage.

- Je sais pourquoi tu m'as invité là !

Kyle sourit timidement. Les deux amis entrèrent dans le petit commerce. Il était décoré de bois brut et de coussins bleus en velours. Les verres de vin et de bière étaient alignés derrière le comptoir, où une jeune femme avec des cheveux teints en bleu travaillait, l'air concentré. Les visiteurs se résumaient à un groupe d'hommes semblant avoir trop bu, un couple et une vieille femme qui prenait son café. Corely avança dans l'allée.

- Hey, toi ! l'apostropha l'un des hommes soûls.

La rouquine se retourna. L'homme semblait être entre la quarantaine et la cinquantaine, il avait une barbe mal rasée et une épaisse veste matelassée.

- J'arrive pas à savoir si t'es une carotte où une asperge ! s'exclama-t-il.

Les autres hommes s'esclaffèrent. Celui qui avait parlé n'eût pas le temps de voir le coup de poing qui s'écrasa sur son visage : son nez craqua et le sang commença à couler.

- Ça t'apprendra, fit Corely, l'air faussement désolée.

- T'es allée un peu fort, non ? dit Kyle en riant à côté d'elle.

L'homme se leva, les joues rouges et le nez en sang.

- Vous vous prenez pour qui, espèces de débiles ? grogna-t-il en levant son poing.

Kyle, plus rapide que lui, décocha un coup de pied qui atterrit directement dans son entrejambe. Le soûl s'écroula de douleur sur sa chaise. Les deux amis s'éloignèrent et s'approchèrent du comptoir, l'air de rien.

- Vous prenez quoi ? demanda la caissière aux cheveux bleus.

- Pour moi ça sera une soupe aux légumes, Bella, répondit Kyle en souriant.

La femme en question leva les yeux de sa caisse enregistreuse. Corely devait avouer qu'elle était plutôt mignonne, avec son air perdu et ses cheveux parfaitement lisses.

- On se connaît ? répliqua-t-elle.

- Je suis déjà venu ici, dit Kyle en ayant l'air frustré.

- J'en ai rien à faire, répondit-elle en haussant les épaules.

Les deux amis repartirent s'asseoir à une table, Kyle découragé, sa soupe aux légumes entre les mains.

- Faudrait que tu changes tes techniques de séductions, chuchota Corely en riant.

Kyle soupira. Corely savait qu'il avait hâte d'avoir une petite amie, mais il s'y prenait un peu n'importe comment. Dans le mois dernier, il avait essayé de fréquenter une dizaine de filles différentes, mais ça n'avait marché avec aucune d'entre elles. Elle n'avait pas non plus l'impression que cette Bella état la bonne.

- Toi, tu t'y connais peut-être mieux que moi... D'ailleurs comment va ta relation ?

Corely haussa les épaules.

- Comme d'habitude. Aucun problème. Je devrai aller le voir tantôt, d'ailleurs.

Kyle fit un signe de tête comme pour approuver.

Plus tard, Corely quitta son meilleur ami pour se rendre chez Aren, le fils de maître Nokia, et aussi son petit ami officiel depuis deux mois. Il lui avait donné rendez-vous vers la fin d'après-midi.

La jeune femme était préoccupée à cause du pendentif qu'elle avait volé, mais aussi de la nouvelle que le Pilier lui avait appris. Elle ne réfléchissait qu'à ça et ne pouvait toujours pas concevoir qu'il existe une force plus grande que celle des Pierres. Ça ne concordait pas avec ce qu'on disait des 27 Protectrices, ces femmes presque invincibles aux pouvoirs illimités, selon l'opinion générale. On en voyait peu souvent, mais on disait qu'elles patrouillaient dans tout le royaume d'Eminel pour prévoir des éventuels dangers, bien que personne ne soit assez idiot pour tenter de se confronter à elles.

Mais maintenant... l'une d'elles était morte.

Elle arriva devant l'appartement et cogna. Aren lui ouvrit : il était grand, musclé, avec des cheveux très courts presque rasés. Il avait le caractère de son père et le physique de sa mère, même si il ne connaissait pas cette dernière, qui était partie après lui avoir donné naissance. Il en parlait rarement, mais Nokia en avait déjà glissé un mot à Corely : « Cette femme était plus précieuse que ce que je ne trouverai jamais dans les trésors des tombeaux ». Corely était restée silencieuse, compatissant avec lui.

- Salut, dit Aren en la faisant entrer.

Une odeur sucrée flottait dans l'appartement aux couleurs ternes.

- Je t'ai préparé des légumes sautés avec du poulet et du riz avec de la sauce sucrée, confirma-t-il en souriant.

- Cool, répondit Corely.

Aren était aussi bon pilleur de tombes que cuisinier. Après avoir fini de préparer le souper, il montra à Corely les derniers trésors qu'il avait trouvé : une statuette en or représentant un grand arbre, quelques breloques brillantes et un morceau de sceptre.

- Je me demande qui pouvait bien utiliser ça, commenta-t-elle en parlant du sceptre.

Aren approuva et ils se dirigèrent dans la salle à manger. Une grande baie vitré donnait la vue sur toute la partie ouest de la cité d'Arkan : on pouvait voir tous les dômes surmontant les immeubles et les toits plats des plus petits bâtiments. Le soleil commençait à se coucher et faisait planer une atmosphère poussiéreuse sur la ville.

- Tu as entendu la nouvelle ? dit brusquement Aren en s'asseyant.

- Oui, ton père m'en a parlé aujourd'hui.

Son petit ami goûta un morceau de poulet et hocha la tête. Corely fit de même.

- Il t'a dit quoi ?

- Qu'ils vont chercher une remplaçante... et de me faire discrète.

Aren sourit et Corely reconnut ce trait que lui avait transmis son père : un sourire discret, honnête et satisfait... elle adorait ce sourire.

Plus tard, la jeune femme enfilait son manteau pour sortir. Aren déposa ses lèvres sur les siennes et ils échangèrent un long baiser. Corely sentait toute la chaleur qui s'en dégageait parcourir son corps en la faisant frissonner. La main de son petit ami se plaqua brusquement sur sa poitrine et elle se dégagea hâtivement, le coeur palpitant. Encore une fois, elle sentait la pierre gelée sur son coeur, qui semblait étrangement s'accorder avec le rythme des battements de son coeur et de sa respiration. Elle ouvrit la porte et souffla quelques mots d'au revoir à Aren avant de partir à grands pas.

La sensation que lui procurait le pendentif était plus que désagréable. Elle avait à la fois chaud et froid : sa poitrine lui semblait geler, mais ses joues et son front étaient en feu. Qu'est-ce qu'il lui avait pris de quitter son petit ami aussi brusquement ?

Et qu'était donc ce maudit pendentif ?

Bruine de FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant